Mme Langweil est partie de Wintzenheim pour travailler
comme bonne à Paris. Là, elle a fait la connaissance d'un antiquaire.
Au début des années 1920, elle était en visite à
Wintzenheim. Durant son séjour, un enfant a été écrasé par une voiture. Ce drame
a incité Mme Langweil à financer la construction d'une crèche à Wintzenheim,
pour que les enfants dont les mères travaillent à l'usine à Wintzenheim et au
Logelbach ne traînent plus dans la rue. La crèche a d'ailleurs été financée en
partie par la Société Coudurier, Fructus et Descher de Wintzenheim ainsi que par les Ets Herzog et Haussmann de Logelbach.
Comme Mme Langweil habitait à Paris, elle avait confié la
direction et la gestion de la crèche à Jeanne Pflimlin, l'épouse du Dr Pflimlin
(et mère de Colette Speich). Les comptes étaient tenus par Alfred Haeffelé,
comptable chez Herzog à Logelbach.
La crèche était privée. Chaque famille payait sa
contribution. Ce sont deux sœurs de la congrégation Saint-Marc de Gueberschwihr,
sœur Huberta et Sœur ?, qui s'occupaient des enfants du matin au soir. Elles
logeaient à l'hôpital de Wintzenheim, dont les sœurs infirmières venaient aussi
de Saint-Marc.
Eugénie Kempf, qu'on appelait "s'Uschala", aidait
les sœurs pour s'occuper des enfants et entretenir la propreté des lieux.
A Noël, les sœurs organisaient une fête, et chaque enfant
recevait un paquet contenant un habit tricoté par des dames patronnesses et
quelques friandises.
(Source : témoignage de Colette Speich recueilli par Guy Frank en juin et décembre 2004, Club de l'Amitié, Plauderstund ewer Wenzena)
Madame Langweil sur l'emplacement de la future crèche (collection Guy Frank)
La première pierre fut posée le 8 mars 1925, en présence de M. Gasser, Préfet du Haut-Rhin, Madame Florine Langweil, le Colonel Martin, le Dr Pflimlin, Aloyse Meyer conseiller général, René Birgy maire de Wintzenheim et président du dispensaire antituberculeux, le Conseil municipal, le Comité de la Croix-Blanche.
La crèche est un bâtiment neuf construit dans les années
1925 et 1926 d'après les plans élaborés par l'architecte agréé soussigné, situé
au sud de la commune sur un terrain au pied de la montagne entouré de vignes et
de vergers et dégagé de tous côtés.
La forme du pla est celle d'un fer à cheval avec l'entrée
principale au centre entre les deux avant-corps côté sud ; la surface bâtie est
de 132,50 m. carrés.
Le bâtiment se compose d'une cave, d'un rez-de-chaussée et d'un grenier.
La cave contient une buanderie et un compartiment pour le
combustible, occupant environ un tiers du sous-sol ; tout le reste n'est pas une
cave proprement dit, mais seulement un vide de 60 cm en-dessous du poutrage
garantissant la libre circulation de l'air.
Le rez-de-chaussée contient toutes les pièces nécessaires
et prescrites pour l'installation et le fonctionnement de la crèche.
Par l'entrée principale on pénètre dans le vestibule qui
se prolonge en corridor en ligne droite vers la porte de sortie donnant sur le
verger qui dégage la façade postérieure.
Au fond de ce couloir, à gauche, se trouve un cabinet de
bain avec installation complète pour eau chaude et froide, et à droite, deux
W.C. inodores (système anglais) l'un pour le personnel, l'autre pour les enfants.
L'escalier montant au grenier se trouve à côté de ces WC.
Par le vestibule et le couloir, le bâtiment est scindé en
deux parties, à gauche le dortoir et le réfectoire communiquant entre aux, à
droite les locaux interdits au public tels que la chambre pour les nourrissons
suspects, la chambre du contrôle des nourrissons, une chambre à armoires pour le
linge et la literie ainsi que la cuisine.
Toutes les pièces sont chauffées par des poêles en
faïence. Les murs ne sont pas tapissés mais peints. De grandes fenêtres laissent
pénétrer l'air et le soleil et fournissent une aération abondante. La hauteur
des chambres est de 3,30 m. entre le plancher et le plafond, de sorte que le
cubage d'air est plus que suffisant.
Le grenier qui s'étend au-dessus de tout le
rez-de-chaussée est accessible partout et sert de séchoir, etc.
L'extérieur du bâtiment est tenu en de formes simples,
les murs sont crépis, les appuis des fenêtres sont en pierres de taille, le toit
est recouvert de tuiles alsaciennes rouges.
Les plans de la construction avaient été envoyés à la
préfecture et ont été approuvés par Monsieur le Préfet.
Colmar le 18 octobre 1926.
Le médecin, Dr Pflimlin. L'architecte, Spittler.
La Crèche Langweil fondée en 1926
(photothèque SHW 086)
Crèche Langweil à Wintzenheim vers 1933. Au centre,
sœur Huberta Baranovski, à droite Eugénie Kempf
(collection Léa Kempf et Thérèse Guillemain)
*
Crèche Langweil à Wintzenheim vers 1940
(collections Robert Ackermann et Colette Speich)
Témoignage :
Le bébé dans les bras de la sœur de droite, c’est moi, Doris Biller. Je suis née le 21 mars 1940 et comme ma maman était employée de bureau à l’intendance de l’hôpital militaire Baur replié à l’époque à Turckheim dans les locaux de l’hôtel des Vosges, elle m’avait, après le congé de maternité, placée à la crèche. Mon père Marcel Biller né le 15.11.1915 était mobilisé au 42ème RIF et grièvement blessé au Col de la Schlucht le 17 juin 1940. La solution était la crèche Langweil de Wintzenheim. Placement de courte durée puisque qu’en septembre 1940, l’administration française a été dissoute à l’arrivée des Allemands. Ma ma maman n’avait donc plus son travail et m’a gardée elle-même à la maison (au 109 rue Clemenceau, la maison de mon grand-père maternel, Henri Druntzer). En 1949, nous avons déménagé à Sainte-Croix-en-Plaine pour des raisons professionnelles de mon père Marcel Biller, alors secrétaire de mairie de cette commune jusqu'en 1973.
Source : Doris Biller, 1er janvier 2017