WINTZENHEIM 39-45

Marie-France Stritt, née à la Libération, orpheline à Noël


Le Rapport de la Gendarmerie Nationale

Gendarmerie Nationale - 10e Légion - Compagnie du Haut-Rhin - Section de Colmar - Brigade de Wintzenheim

N° 969 du 2.12.1945 - Procès-verbal du 3 décembre 1945 constatant un accident de la circulation.

Victimes : BRENNER Berthe, épouse STRITT et STRITT Marie-France. Auteur : conducteur CAP.... Antoine de la Cie D.D.D. 473 S.P. 76.834

Ce jourd'hui, deux décembre mil neuf cent quarante-cinq, à seize heures quarante-cinq.

Nous, soussignés MODER Jacques et MERLEAU René, gendarmes à la résidence de Wintzenheim, département du Haut-Rhin, revêtus de notre uniforme et conformément aux ordres de nos chefs, à notre caserne, avons été avisés téléphoniquement qu'un accident de la circulation venait de se produire en face le café WEHRLE à Wintzenheim, et qu'il y avait un mort. Nous nous sommes rendus sur les lieux immédiatement et avons relevé ce qui suit :

État des Lieux

L'accident s'est produit dans la traversée de Wintzenheim rue Georges Clemenceau (R.N.417) en face le café "Au Soleil d'Or" tenu par M. WEHRLE. A cet endroit, la route mesure 6m50 de largeur, elle est pavée et légèrement bombée, et carrossable sur toute sa largeur. Elle accuse une légère déclivité en direction de Colmar. La visibilité est assez bonne sur 150 m. malgré que la route accuse de légères courbes. Le temps est clair, mais la chaussée est mouillée et très glissante.

Wintzenheim

A gauche, l'épicerie-mercerie Riedinger. Sous la flèche rouge, la pompe à essence du restaurant Au Soleil d'Or (collection Guy Frank)

Constatations

Nous remarquons sur le trottoir de gauche, direction Colmar, et à l'angle des maisons WEHRLE et GILG, le cadavre d'une femme, la face contre le sol, et portant une blessure verticale sur le côté droit du front par laquelle s'échappe un peu de sang ainsi que par la bouche. Les membres et le corps sont couverts d'ecchymoses, de même que le visage. Le bébé qui a été blessé a été transporté à l'hôpital à Colmar avant notre arrivée sur les lieux.

La pompe à essence installée sur le trottoir devant le café WEHRLE, qui se trouvait sur un socle en ciment de 50 cm carrés et de 0m20 de haut, a été rasée à quelques centimètres du socle, et en partie broyée. Des morceaux de fonte se retrouvent jusqu'à quarante-cinq mètres du point de choc. A deux mètres du cadavre, sur la chaussée et à 0m70 du bord du trottoir se trouve une voiture d'enfant hors d'usage. Toujours sur le même trottoir, et en face la maison RIEDINGER, nous remarquons, à 4 m. de distance l'une de l'autre, des traces laissées par les roues gauches d'un camion et sur une longueur de trois à quatre mètres.

Sur le trottoir de droite, même direction, nous remarquons un camion G.M.C. arrêté légèrement en biais, l'avant en direction de Colmar, la roue droite appuyée contre le mur de la maison VOEGTLI. Ce véhicule immatriculé sous le numéro 413.849 a le pare-chocs avant droit tordu vers l'arrière, le garde-boue tordu en biais vers le sol. Le pneu avant droit et le pneu intermédiaire gauche éclatés à la suite du choc. La ridelle gauche est fraichement détériorée à 2m75 de l'arrière et jusqu'à 1m70 du sol. Ce véhicule mesure 6m50 de long, 2m25 de large à l'arrière et 2m à l'avant. La direction est déportée de 12 cm vers l'arrière.

Sur le mur de la maison presbytère, nous remarquons que le crépissage est éraflé à divers endroits variant de 0m40 à 1m30 de haut et sur 4m de long. Le tuyau de descente des eaux du toit a été arraché sur 1m40 de haut et entièrement brisé. Sur la maison BLOCH, les tuyaux de descente des eaux sont arrachés des deux côtés, l'un est entièrement brisé, l'autre intact, le volet du soupirail est arraché.

Afin de soustraire les militaires à l'indignation des habitants, nous les avons conduits à notre caserne, où ils ont été gardés à vue car ils étaient très énervés et avaient bu un peu.

A 17 heures 50, nous avons prévenu notre Commandant de Section par message téléphoné.

C'est un camion GMC de ce type qui a causé l'accident...


Enquête

WintzenheimXavier Wehrle (collection Madeleine Kauffmann)

1° - WEHRLE Xavier, 47 ans, débitant de boissons à Wintzenheim, 22 rue Clemenceau, restaurant du Soleil d'Or déclare :

Hier 2 décembre 1945, entre 16h50 et 17 heures, alors que je me trouvais dans la salle de débit, j'ai entendu tout à coup le ronflement d'un moteur de véhicule qui paraissait marcher à une allure folle, d'après le bruit qu'il faisait. Il venait de Munster et se dirigeait vers Colmar. Arrivé à hauteur de mon établissement, un bruit de choc formidable s'est produit. Au même moment, j'ai aperçu un camion passer devant la maison, roulant sur le trottoir et passant avec les roues gauches sur l'escalier en pierres conduisant dans mon établissement. Des éclats de fonte devant provenir de ma pompe à essence placée devant mon débit sur le trottoir ont pénétré dans mon local, brisant trois vitres aux fenêtres.

Etant sorti, j'ai constaté que la pompe à essence était coupée au ras du socle. En bas de l'escalier, j'ai vu un enfant en bas âge couché sur le trottoir, saignant au visage. A quatre ou cinq mètres plus loin vers Colmar, une femme était étendue sur le trottoir et ne donnait plus signe de vie. J'ai aussitôt ramassé l'enfant et l'ai remis à Mlle SUTTER, puis je suis monté dans une auto de passage pour vous prévenir. A environ 40 ou 50 m. plus vers Colmar, un camion militaire s'est arrêté sur le trottoir droit l'avant en direction de cette ville.

Je n'ai pas vu l'accident se produire et ne puis vous dire comment il est arrivé. J'ajoute que la pompe à essence, propriété de la société anonyme des Pétroles Jupiter, n° 13 rue de la Nuée Bleue à Strasbourg, a été complètement cassée et projetée sur le trottoir à environ douze mètres plus loin. J'ignore le préjudice qui m'est causé par le bris des vitres et la valeur de la pompe à essence. Une voiture d'enfant totalement démolie se trouvait sur la route, non loin du cadavre de la femme.

Lecture faite, persiste et signe.

2° - MAURER André, 72 ans,  sans profession, demeurant à Wintzenheim rue de la Brasserie, nous a déclaré :

Hier 2.12.1945, à seize heures 45, me trouvant à la fenêtre donnant sur la rue, j'ai vu 2 femmes poussant une voiture d'enfant monter la rue Clemenceau. Elles suivaient strictement leur droite. Arrivées devant le café WEHRLE, j'ai remarqué qu'elles étaient inquiétées et qu'elles montaient la voiture d'enfant sur le trottoir. En même temps j'ai entendu un bruit de moteur très puissant. A cet instant j'ai vu un camion descendre la rue à vive allure. Les roues gauches roulaient sur le trottoir. Un bruit de choc s'est alors produit, le camion ayant heurté avec sa gauche la pompe à essence en question, qui a été arrachée et projetée au loin.

Je n'ai pas pu voir comment la voiture d'enfant et la femme ont été touchées, la vue étant masquée par l'angle de la maison WEHRLE. Je n'ai pas entendu d'éclatement de pneu avant l'accident.

3° - M. BLAUSER Joseph, 63 ans, ouvrier d'usine, dt à Wintzenheim 2 rue des Prêtres, nous déclare :

Hier 2.12.1945, vers 16h30, me trouvant à l'entrée de la rue des Prêtres, j'ai vu Mme STRITT et Melle SUTTER Augustine monter la rue Clemenceau poussant une voiture d'enfant en suivant complètement leur droite. Au moment où ces femmes se trouvaient à hauteur du restaurant WEHRLE, j'ai vu un camion militaire qui, à vive allure, se dirigeait vers Colmar, venant de la direction de Munster. Alors que ce véhicule passait devant la place de l'Église, j'ai vu que l'arrière était chassé sur le côté droit de la rue, direction Munster-Colmar ; et j'ai remarqué que le conducteur n'était plus maître de son véhicule ; Ce que voyant également, Mme STRITT et Melle SUTTER sont montées sur le trottoir derrière la pompe à essence placée devant le café WEHRLE, tout en tirant la voiture d'enfant avec elles. Le camion est monté avec la roue gauche sur le trottoir devant la maison RIEDINGER, tandis que l'arrière train zigzaguait sur la route. Le véhicule a alors heurté avec la partie gauche la pompe à essence qui a été arrachée et projetée dans le coin des maisons WEHRLE-GILG, à environ 10 m. devant le camion. En même temps j'ai vu la voiture d'enfant et Mme STRITT voltiger en l'air par-dessus l'escalier du café WEHRLE. Je ne puis toutefois vous dire comment la victime a été heurtée. Voyant le camion traverser la route se dirigeant de sa gauche à sa droite, c'est-à-dire dans ma direction, j'ai dû entrer dans la rue [des Prêtres] pour me protéger. Au même moment, j'ai entendu que le camion heurtait le presbytère qu'il a frôlé. Il a ensuite passé devant moi, les roues droites roulant sur le trottoir, puis après avoir heurté la maison BLOCH, il s'est enfin arrêté. J'affirme qu'avant l'accident je n'ai pas entendu de bruit d'éclatement de pneu. A mon avis, cet éclatement a dû se produire au moment où le camion a heurté la pompe à essence, car à cet instant, j'ai perçu un véritable bruit d'explosion. Après que le camion s'est arrêté, j'ai vu trois soldats descendre de la cabine et ai remarqué que le chauffeur était fortement pris de boissons. Ce dernier s'est très mal comporté et a traité, à plusieurs reprises les personnes accourues de boches.

4° - M. RIEDINGER Lucien, 34 ans, épicier, dt à Wintzenheim, nous a déclaré :

Hier 2.12.1945, vers 16h45, alors que je me trouvais chez moi, j'ai entendu un bruit de moteur assez rapide. Pensant qu'il s'agissait d'un avion, je me suis approché de la fenêtre et en même temps j'ai vu un camion qui montait sur le trottoir gauche par rapport à sa direction de marche, et presqu'aussitôt j'ai entendu un bruit de choc. Je suis sorti et ai constaté que le camion était allé s'arrêter une cinquantaine de mètres plus loin, après avoir brisé la pompe à essence qui se trouvait devant le café WEHRLE. A mon avis, il devait marcher à une allure excessive pour ne pas avoir pu s'arrêter plus tôt. J'ai pu me rendre compte que le bébé se trouvait couché auprès de l'escalier du café WEHRLE.

5° - M. FORET Louis, 22 ans, sans profession, dt à Wintzenheim, déclare :

Hier 2.12.1945 vers 16h40, alors que je revenais de la poste à bicyclette, j'ai entendu le bruit d'un moteur emballé et j'ai vu, en même temps, un camion G.M.C. qui arrivait à une vitesse maximum de 100 km à l'heure. Je me suis garé en face de l'église car j'ai pensé qu'il ne pouvait aller loin, la route étant glissante. Effectivement, un peu plus loin, le camion qui se dirigeait vers Colmar a dérapé de l'arrière vers la droite, puis sur la gauche, où il a brisé une pompe à essence ; ce qui l'a empêché de faire une tête à queue, puis il est allé heurter les maisons sur sa droite pour aller s'arrêter une cinquantaine de mètres plus loin.

Dès l'accident j'ai pu me rendre compte qu'une femme et un bébé qu'elle promenait dans une voiture d'enfant en avaient été victimes. Cependant, j'avais quelques instants avant dépassé cette femme qui suivait rigoureusement sa droite. Avant le choc contre la pompe à essence je n'ai entendu aucun bruit ressemblant à l'éclatement d'un pneu.

Wintzenheim

Sur cette carte postale des années 1950, on aperçoit encore devant le Soleil d'Or le socle de la pompe à essence arrachée le 2 décembre 1945.
A droite, Joseph Gilg devant son épicerie-mercerie. Au-dessus de la flèche rouge, l'épicerie de Lucien Riedinger (collection Guy Frank)

6° - Melle SUTTER Augustine, 24 ans, dt à Wintzenheim 63 rue Clemenceau, a déclaré :

Hier 2.12.1945, vers 16h30, je venais de me promener avec Mme STRITT qui conduisait la voiture de son bébé. Nous nous dirigions vers notre demeure lorsque, arrivées devant le café WEHRLE, nous avons entendu le ronflement d'un moteur. Avant d'avoir pu nous rendre compte qu'il s'agissait d'un véhicule quelconque, je suis montée sur le trottoir et Mme STRITT m'a imitée en tirant toutefois la voiture de son bébé. Avant que j'ai eu le temps de me rendre compte de ce qui arrivait, j'ai vu Mme STRITT qui se trouvait étendue sur le trottoir, à une dizaine de mètres plus loin et elle ne donnait plus signe de vie. Je ne dois la vie sauve que parce que je me trouvais contre le mur du café WEHRLE, alors que Mme STRITT se trouvait derrière la pompe à essence et que la voiture d'enfant se trouvait encore en bas du trottoir. Cette voiture a été traînée à une dizaine de mètres également, alors que le bébé était tombé près de l'escalier du café WEHRLE. Dès que j'ai pu voir le camion arriver, j'ai eu l'impression qu'il venait sur nous. Il marchait à vive allure, mais je ne puis dire, même approximativement, la vitesse que faisait ce véhicule.

7° - BLOCH André, 30 ans, Pharmacien Lieutenant à la Compagnie de Douches Désinfection Désinsectisation n° 473 S.P.76.834, né le 8.10.1915 à Besançon (Doubs) de Germain et de BLOCH Adrienne, célibataire :

Je suis venu hier en mission à Colmar. Pour ce faire, j'avais à ma disposition un camion G.M.C., conduit par le chauffeur CAP..... et deux hommes de corvée. La mission terminée, j'ai autorisé mes hommes à se rendre à Munster, où la formation avait séjourné pendant quelques mois. Je leur avais recommandé de me rejoindre à 14 heures. Me trouvant à Wintzenheim, j'ai été prévenu qu'un accident de la circulation venait d'avoir lieu. Il était alors 16h30 environ. Je suis sorti, et j'ai pu me rendre compte qu'il s'agissait du véhicule appartenant à mon unité. Je n'ai pas été surpris de l'accident en voyant les hommes qui le conduisaient, car ils avaient bu, et j'ai pu savoir qu'ils marchaient à une vitesse exagérée et cela malgré tous les ordres que je leur donne quand je suis avec eux.

Je vais faire le nécessaire pour faire dépanner le camion et le récupérer. En attendant, je laisse les soldats FREYBERGER et BRAND pour en assurer la garde. C'est moi qui ai signé l'ordre de mission qui leur permettait de se rendre à Munster.

8° - FREYBERGER René, 17 ans, né le 21.12.1927 à Mulhouse, de Frédéric et de NORTH Philomène, soldat à la Cie D.D.D. 473.

Hier matin vers 9h30, j'ai quitté mon unité à bord du camion G.M.C. 413.849, conduit par le chauffeur CAP....., pour effectuer une mission sous les ordres du Pharmacien Lieutenant BLOCH. Nous sommes arrivés à Wintzenheim vers onze heures et à ce moment, le Lieutenant nous a laissé quartier libre tout en nous recommandant de franchir le pont de Neuf-Brisach avant 17 heures. Nous sommes allés prendre notre repas à Munster et au retour, après nous être arrêtés à Griesbach, nous avons passé à Gunsbach que nous avons quitté vers 16h05. A mon avis le chauffeur avait bu, mais il était capable de conduire son véhicule. Arrivés dans la traversée de Wintzenheim, et alors que le camion marchait à une vitesse de 25 à 30 milles [40 à 50 km/h], j'ai senti qu'il dérapait et que le derrière se portait sur la gauche. Auparavant j'avais vu une femme qui conduisait une voiture d'enfant et qui descendait du trottoir gauche par rapport à notre direction de marche.

Je n'ai ressenti aucun choc et ce n'est que lorsque le camion s'est arrêté que je me suis rendu compte de l'accident qui venait de se produire. Aussitôt arrêté, le chauffeur a dit : "Pourvu qu'il n'y ait pas de mal". Mais nous avons eu vite fait de nous rendre compte qu'il devait y avoir quelque chose d'extraordinaire, car une foule de gens étaient assemblés. Je me suis approché et ai remarqué sur le trottoir une femme qui n'avait plus l'air de donner signe de vie. Je n'ai pas vu si l'enfant qu'elle menait dans la voiture avait été blessé.

9° - BRAND Aloyse, 18 ans, né le 2.12.1927 à Hansguien (Ht-Rhin), soldat à la Cie D.D.D. 473, déclare :

J'ai quitté ma formation hier vers 9 heures pour venir en mission à Colmar. Notre mission terminée, le Lieutenant BLOCH qui était avec nous, nous a autorisés à nous rendre à Gunsbach, où nous avions stationné pendant quelques mois, et où nous connaissions des personnes, en nous recommandant de passer le pont de Neuf-Brisach avant dix-sept heures. Après avoir mangé à Munster et bu à Gunsbach, nous avons quitté cette dernière localité vers 16h05. Arrivés dans la traversée de Wintzenheim, la roue avant droite a éclaté et la chaussée étant glissante, le chauffeur n'a pu être maître de la direction car nous roulions à 25 ou 30 milles à l'heure. L'arrière du camion a heurté une pompe à essence sur la gauche et nous sommes allés nous arrêter une cinquantaine de mètres plus loin. Je dois dire que sans être saoul, le chauffeur avait bu un peu trop, comme moi d'ailleurs. Après l'accident, je suis descendu du camion et j'ai pu me rendre compte qu'il y avait une femme étendue sur le trottoir, mais comme il y avait beaucoup de personnes autour d'elle, je n'ai pu voir si elle était morte. J'étais sur le siège avant entre FREYBERGER et le chauffeur, mais je n'avais pas vu cette femme sur la route. Je ne puis donc vous dire où elle se trouvait.

10° - BLOCH Camille, 68 ans, propriétaire à Wintzenheim, déclare :

Je n'ai pas été témoin de l'accident et n'ai pas vu comment le camion militaire a endommagé ma maison. Je ne puis quant à présent vous indiquer le montant du préjudice causé, ne connaissant pas la valeur des tuyaux de descente en fonte et du volet de la cave qui sont cassés.

11° - CAP..... Antoine, 19 ans, conducteur à la Cie D.D.D. 473, né en 1926 à Mascarro (Algérie), fils de Joseph et de OLI......Carmen, célibataire, sachant lire et écrire.

J'ai quitté ma formation hier matin à 9h30 au volant du G.M.C. que je conduis pour venir en mission à Colmar, avec le Pharmacien Lieutenant BLOCH et deux hommes de corvée. Notre mission terminée, le Lieutenant nous a signé un ordre de mission pour nous rendre à Munster, car nous avions séjourné dans la région aux mois de mars et avril. Après avoir pris notre repas à Munster, nous sommes venus à Gunsbach, où mes camarades ont bu chez des connaissances, mais bien que je sois resté au café pour les attendre, je n'ai pas tellement bu. Nous avons quitté cette dernière localité vers 16h05, car le Lieutenant nous avait recommandé de passer le pont de Neuf-Brisach avant 17 heures. Mes camarades et moi, nous nous trouvions sur le siège avant. J'ai marché à une vitesse variant de 25 à 35 milles [40 à 55 km/h] en rase campagne. Arrivé dans la traversée de Wintzenheim, j'ai constaté que la route était glissante, et j'ai senti tout à coup que je n'étais plus maître de la direction. Je n'ai pas freiné mais malgré cela, le camion a fait plusieurs embardées et j'ai heurté une pompe à essence sur le trottoir de gauche, puis, après avoir traversé la rue et longé les maisons de droite, je me suis arrêté une cinquantaine de mètres plus loin. Auparavant j'avais bien vu une femme qui tentait de monter la voiture de son bébé sur le trottoir. J'ai fait ce que j'ai pu pour l'éviter, mais je n'ai pu y parvenir. Après m'être arrêté, je suis revenu sur les lieux de l'accident et j'ai pu constater que la femme avait été tuée sur le coup, car elle était étendue sur le trottoir à quelques mètres du lieu où elle se trouvait au moment du choc. Quant à l'enfant, je ne l'ai pas vu puisqu'il avait été emporté. J'affirme qu'au moment de l'accident, je ne dépassais pas la vitesse de 25 à 30 milles à l'heure. J'ajoute que si j'ai prononcé des insultes en passant devant la voiture d'un officier, ce n'était pas à son égard, mais à l'égard de la population qui m'avait menacé après l'accident.

Wintzenheim

Le restaurant "Zur Sonne" en 1915, exploité à l'époque par Émile Grad. L'épicerie attenante était tenue par Léon Sattler.
Les lieux n'avaient guère changé en 1945, à part la pompe à essence qui n'a été installée sur le trottoir que vers 1930.
(collection Guy Frank)

Le Commandant FLYS Sainte-Marie, qui était de passage à Wintzenheim et qui a été injurié par le soldat CAP....., n'a pu être entendu car il était pressé. Cependant il désire être entendu. Son adresse est la suivante : Commandant par intérim le 4ème groupe Tabors Marocains S.P.67.372. Il en est de même du Commandant MACKER du R.I.10, caserne Macker à Colmar, qui aurait été témoin de l'accident.

CAP.... fait l'objet du procès-verbal d'arrestation n° 970 de notre brigade du même jour pour homicide par imprudence.

CAP.... est titulaire du permis de conduire militaire n° 466 délivré à Sidi-bel-Abbes le 10.1.1944 par le Lieutenant SANCHEZ.

Le carnet de bord et l'ordre de mission ont été saisis et seront déposés à la 10ème Région.

Le bébé a été transporté à l'hôpital de Colmar mais ses jours ne seraient pas en danger.

Les soldats FREYBERGER et BRAND qui se trouvaient sur le camion au moment de l'accident, ont été laissés à la disposition du Pharmacien Lieutenant BLOCH, lequel nous a déclaré qu'ils feraient l'objet d'une sanction disciplinaire.

État-Civil des Victimes

BRENNER Berthe, épouse STRITT, née le 15.11.1919 à Wintzenheim de feu Henri et de BOHN Marie Madeleine, mariée, décédée.

STRITT Marie-France, née le 5.2.1945 à Wintzenheim, blessée assez gravement. 

Copie du certificat médical

J'ai examiné aujourd'hui le cadavre de Mme STRITT Berthe née BRENNER. J'ai constaté une contusion de la région lombaire droite, une grande plaie médiane sur la région frontale du sommet de la tête avec grande fracture de la boite crânienne et écrasement du cerveau. Une fracture ouverte de la jambe droite et une fracture de l'avant-bras gauche. La mort par suite de la blessure de la tête a dû être instantanée.

Le 3 décembre 1945

*

Cinq expéditions du rapport :
- la 1ère à M. le Général Commandant la 10ème Région militaire à Strasbourg (Justice militaire)
- la 2ème au Général Commandant la Subdivision Militaire du Haut-Rhin à Colmar
- la 3ème au Lieutenant Commandant la Compagnie Douche Désinfection 473 S.P. 76.834
- la 4ème à M. le Procureur de la République à Colmar
- la 5ème aux archives.

Signé : MERLEAU Signé : MODER

Nous recherchons des photos de l'accident, s'il en existe.

Contact : Guy FRANK


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