WINTZENHEIM 39-45

Otto DIX à Colmar 1945-1946


Conférence d'Erdmuthe Mouchet dans l'auditorium de l'Arthuss - Wintzenheim, à l'invitation de la Société d'Histoire de Wintzenheim

Le 28 janvier 2016, la Société d’Histoire de Wintzenheim invitait ses membres et sympathisants pour une conférence d’Erdmuthe Mouchet consacrée à Otto Dix (1891-1969)

Erdmuthe Mouchet
Erdmuthe Mouchet (photo Gilbert Bombenger, 28 janvier 2016)

Erdmuthe Mouchet a fait des études de germanistique et de philosophie à Göttingen, Hambourg et Munich qu’elle termine par un doctorat dans le domaine de la linguistique.

Après une formation pédagogique, elle a travaillé au Goethe-Institut en Allemagne en tant qu’enseignante, ensuite comme lectrice d’allemand à l’Université de Strasbourg. Elle y présente un doctorat de troisième cycle en linguistique. Par la suite elle a été amenée à diriger pendant 15 ans le bureau du Goethe-Institut de Colmar.

Lors de sa retraite, elle s’intéresse au peintre Otto Dix et à son séjour forcé au camp de prisonniers de guerre à Colmar-Logelbach. Ainsi elle publie en 2011 : Otto Dix als Kriegsgefangener in Colmar 1945 und 1946 (dans : « Otto Dix retrospektiv zum 120. Geburtstag. Kunstsammlung Gera »), et en 2012 : Otto Dix, prisonnier à Colmar entre avril 1945 et février 1946 (dans l‘Annuaire de la Société d‘Histoire et d’Archéologie de Colmar 2011-2012).

Otto Dix à Logelbach en 1945-1946

La conférence portait sur une période précise dans la vie du grand peintre allemand Otto Dix. Arrêté en avril 1945 par les troupes françaises et interné en tant que prisonnier de guerre au camp de prisonniers qui se trouvait dans un bâtiment de l‘entreprise Haussmann à Logelbach, il y resta jusqu‘en février 1946.

L‘exposé retraçait à travers des lettres à sa famille, des documents d‘archives et des témoignages sa vie dans le camp et en dehors à Logelbach et à Colmar.

Conférence Otto Dix par Erdmuthe Mouchet : l'auditorium de l'Arthuss à Wintzenheim quasi complet avec une centaine d'auditeurs (photos Gilbert Bombenger, 28 janvier 2016)


Conférence " Otto Dix à Colmar 1945 – 1946 " par Erdmuthe Mouchet

Ma conférence se fera en 3 parties :

1. Qui était Otto Dix ?
2. Le camp des prisonniers de Colmar/Logelbach
3. Le retable "La Madone aux barbelés"

1. Qui était Otto Dix ?

Otto Dix

Otto Dix : Aquarell ohne Titel (Aquarelle sans titre) / Otto-Dix-Stiftung

Le peintre Otto Dix s’est caractérisé lui-même par ces 3 symboles :
- l’œil : avant de créer, de peindre, il voit, observe, il regarde la réalité. Sa devise était « Fie-toi à tes yeux ! » Et le critique d’art José Pierre parle du « regard pénétrant » du peintre « qui déshabillerait toute belle illusion » ;
- le pinceau : son outil. Un peintre ne parle pas, il dessine ou il peint, mais ne parle pas. Dix a toujours refusé d’interpréter son travail ;
- la signature : il signe ce qu’il a créé que cela plaise ou pas, même s’il se met lui-même en danger. Le tout respire une belle assurance de la joie et de la légèreté.

Otto Dix

OD : Selbstbildnis mit Nelke 1912 (Autoportrait avec oeillet) / The Detroit Institute of Arts

Revenons à la question d’entrée : Qui était Otto Dix ? Voilà un autoportrait de 1912, Otto Dix avait alors 21 ans. Il est né le 2 décembre 1891 à Gera, en Thuringe, premier dans une fratrie de 4 enfants. Son père était ouvrier qualifié dans l’industrie métallique. Gera était à l’époque une ville de résidence d’une petite principauté, la lignée des « Reußen ». Très jeune, Otto Dix montra un talent certain pour le dessin et la peinture, et à 18 ans, après un apprentissage auprès d’un peintre en bâtiments, il put, grâce à une bourse de la maison régnante, intégrer l’Ecole des Arts Décoratifs Appliqués de Dresde. Très intéressé par les controverses entre les courants d’art comme l’impressionnisme, l’expressionisme ou encore la nouvelle objectivité, il choisit son camp – en accord avec sa devise mentionnée plus haut – l’objectivité. Cet Autoportrait avec œillet montre – fait dans la manière des maîtres anciens comme Durer, Cranach ou Van Eyck au glacis – un jeune homme soigné, qui dévisage le spectateur de ses yeux - je cite « d’acier clairs », peint avec une grande recherche de précision dans le détail.

Otto Dix

OD : Selbstbildnis als Soldat 1914 (Autoportrait en soldat) / Galerie der Stadt Stuttgart

Deux ans plus tard, la première guerre mondiale éclate. Otto Dix est appelé sous les drapeaux (et non pas volontaire, comme c’est souvent dit). Il suivra une formation à la mitrailleuse pendant une année. En automne 1915 il sera envoyé pour combattre en France, et cela avec quelques interruptions jusqu’à la fin de la guerre. L’autoportrait de 1914 peint à la prima, spontané, voire expressionniste, le montre en homme qui est prêt à foncer. Effectivement Il dira plus tard - je cite « La guerre est une chose horrible, mais immense, puissante. Je ne devais la manquer en aucun cas. Il faut avoir vu l’homme dans cet état déchaîné pour savoir quelque chose sur l’homme ». Dans cet état d’esprit Dix ira à la guerre. Il ressortira 3 ans plus tard désillusionné, ses carnets pleins de dessins. Aucun autre peintre n’aura autant dessiné que lui.

Otto Dix
Otto Dix

OD : Granattrichter mit Blumen, Frühling 1916 (Entonnoir avec fleurs)
/ Radierzyklus „Der Krieg“ 1924 / Otto-Dix-Stiftung

OD : Verwundeter, Herbst 1916 Bapaume (Blessé, automne 1916 Bapaume)
/ Radierzyklus 1924 / Otto-Dix-Stiftung

Ces deux gravures montrent des scènes de guerre dans le nord : Entonnoir avec fleurs printemps 1916, et Blessé, automne 1916 Bapaume. Ces dessins furent publiés quelques années plus tard et cette expérience de la guerre l’accompagnera jusque dans les années trente. Nous y reviendrons.

Otto Dix

OD : Schwangeres Weib 1919 (Femme enceinte ) / Galerie Valentien Stuttgart

Revenu de la guerre à Dresde, le peintre se remettait au travail et à la recherche de nouvelles formes et de contacts. Avec des amis, il fonde une « sécession des radicaux de Dresde », dont le programme était un socialisme antinational. Il déborde d’idées et de projets : La femme enceinte 1919, montre un rapprochement avec les peintres abstraits.

Otto Dix

OD : Prager Strasse 1920 (rue de Prague 1920) / Kunstmuseum Stuttgart

Mais c’est des scènes d’après-guerre qui l’occupent le plus : Prager Straße 1920, en est un exemple. Une rue à Berlin, un estropié mendiant, un cul-de-jatte sur une sorte de voiture, à côté de lui, un chien tient dans sa gueule un journal avec le titre « Juden raus » (dehors les juifs), au fond des vitrines avec des prothèses, une prostituée sort du tableau vers la droite. Le tout, peint et collé dans un style grotesque et sarcastique. Ce style fit sa réputation dans les années 20.

Otto Dix

OD : Großstadt-Triptychon 1928 (Triptyque de la grande ville ) / Kunstmuseum Stuttgart

Voyons ce triptyque : Triptyque de la grande ville 1927-1928. Une présentation de la société d’après-guerre : Les riches (tableau du centre) qui s’amusent et dansent accompagnés de musique de jazz (Dix était d’ailleurs un excellent danseur), les pauvres et exclus de la société, les mendiants, les estropiés et les prostituées (à gauche et à droite). Le choix de la forme du triptyque est intéressant : Où est Dieu ? Ou sont les saints ? Ce n’est pas un tableau religieux, mais...

Il peindra encore deux triptyques par la suite.

Comme les autoportraits dont nous avons vu deux exemples, les portraits étaient sa spécialité. Je cite : « Chaque personne a une couleur spécifique ». Il ne faisait pas de portraits « gentils ou ressemblants ».

Otto Dix

OD : Bildnis der Journalistin Sylvia von Harden 1926 (Portrait de la journaliste S. von Harden )
/ Musée National d’Art Moderne Paris

Ainsi ce Portrait de la journaliste Sylvia Von Harden 1926, montre une femme aux mains extrêmement longues, le visage étiré. Quand Dix avait proposé à Sylvia Von Harden de la peindre, elle lui répondit que personne n’allait aimer ce portrait à cause de – je cite - « mes yeux sans éclat, mes oreilles tarabiscotées, mon long nez au milieu d’un étroit visage blafard, ma maigre bouche … mes longues mains et mes gros pieds ». A quoi Dix aurait répondu « qu’elle s’était caractérisée à merveille, mais ce qui importe n’est pas la beauté extérieure d’une femme, mais son raffinement spirituel. Vous représentez l’idéalisme de notre génération ! ». Ce tableau a rendu Sylvia Von Harden célèbre. Il a été racheté par le musée d’Art moderne du Centre Pompidou dans les années 1950.

Otto Dix Otto Dix

OD : Bildnis Frau Martha Dix 1928 (Portrait de Madame Martha Dix)
/ Sammlung Pfefferkorn

OD : Nelly mit Spielzeug 1925 (Nelly avec jouet)
/ Otto-Dix-Stiftung

Deux autres portraits montrent sa femme, Bildnis Frau Martha Dix 1928, et sa fille, aînée, Nelly mit Spielzeug 1925, deux beaux portraits d’une grande finesse. Les portraits de sa femme Martha, des ses trois enfants et de ses parents sont ce qu’il y a de plus beau parmi ses œuvres.

Otto Dix

OD : Kriegs-Triptychon 1929 – 1932 (Triptyque de la guerre) / Galerie Neue Meister Dresden

Dix ans après la première guerre mondiale, en 1929, le peintre revient sur les expériences et images de cette guerre. Il crée son deuxième triptyque Der Krieg /La guerre 1929-1932. A-t-il vu le Retable d’Issenheim ? C’est possible car le Retable était exposé à Munich entre octobre 1918 et juin 1919 avant de retourner à Colmar. On ne le sait pas. Il a certainement vu des reproductions. Ce tableau tripartite se lit de gauche à droite et représente une journée de guerre : à gauche, les soldats partent le matin ; le tableau du centre : la bataille avec des morts, des corps, une composition gigantesque et dantesque ; à droite : le soir un ciel sombre des feux, le peintre lui-même porte un soldat ; dans la prédelle : des soldats endormis. Cette œuvre se trouve à Dresde. Dix a exposé cette œuvre en 1932 à Berlin. Les réactions et interprétations étaient multiples, et le sont d’ailleurs toujours. Interprétation religieuse (crucifixion et mise au tombeau) ou danse macabre ? Il y a des détails qui sont des rappels du Retable d’Issenheim (la main ouverte du Christ et l’index qui pointe vers le bas rappelle le geste de Saint Jean-Baptiste). Certains y voient une grande influence de Grünewald et de son Retable.

Le triptyque de Dix a pu être sauvegardé, caché chez un paysan près de Dresde.

Otto Dix

OD : Selbstbildnis mit Jan 1930 (Autoportrait avec Jan) / Kunstmuseum Stuttgart

Voilà une autre peinture, Autoportrait avec Jan 1930 : Otto Dix vêtu d’une sorte de tunique avec Jan, son fils, en Saint-Christophe peint à la technique du glacis qui rappelle les maîtres anciens. Le peintre a 39 ans, il est au sommet de son art, de sa vie. Il est célèbre – tout jeune peintre, il avait dit à un ami « Je serai ou célèbre ou j’aurai mauvaise réputation ». Il était devenu les deux à la fois : célèbre et de mauvaise réputation. Il est professeur à l’Académie des Beaux Arts de Dresde, donc dans une position qui lui permet de voir l’avenir sereinement. Il est marié et père de trois enfants. Sa réputation de peintre n’est plus à faire.

Mais le nazisme est à la porte. En janvier 1933, Adolf Hitler est élu chancelier du Reich. Otto Dix perd immédiatement son poste de professeur, il n’a même plus le droit d’entrer dans le bâtiment pour reprendre ses peintures et ses outils. En réponse à sa lettre de protestation, le ministre de l’intérieur du Land de Saxe lui répond que ses peintures – je cite « blessent fortement le sens moral, minent par cela la volonté de redressement et portent atteinte à la volonté de défense et de combat du peuple allemand ».

Otto Dix

OD : Die sieben Todsünden 1933 (Les sept péchés capitaux) / Staatliche Kunsthalle Karlsruhe

Le peintre répond par cette peinture célèbre, Les sept péchés capitaux 1933, qui se trouve aujourd’hui dans la galerie de la Ville de Stuttgart. En se référant à ses maîtres anciens, il présente l’avarice (la femme devant en bas), la luxure (la femme en jaune-orange), la gloutonnerie (l’homme saucisse au fond), la paresse du cœur (l’homme à la faux qui danse au milieu), l’orgueil (la tête géante), la colère (le diable cornu) et enfin la jalousie (le petit homme jaune avec la moustache à la Hitler. L’allusion était, bien sûr, volontaire).

Un tableau sombre et prophétique. Au fond un mur et à gauche un paysage de désert. Sur le mur se trouve une citation du philosophe Nietzsche « Die Wüste wächst, weh dem, der Wüsten birgt » (Le désert grandit, malheur à celui qui abrite les déserts). Et Dix quitte Dresde avec sa famille et se retire sur les bords du Lac de Constance.

Otto Dix

OD : Randegg im Schnee mit Raben 1935 (Randegg dans la neige avec corbeaux) / Otto-Dix-Stiftung

Ils vivent d’abord à Randegg et aménagent quelques années plus tard une maison à Hemmenhofen au sud de Constance. Dix continuera à travailler, mais il n’a pas le droit d’exposer ses peintures. Il perd presque toute possibilité de gagner de l’argent, et lui et sa famille vivent dans une insécurité permanente. Il peint des paysages, voici Randegg sous la neige avec corbeaux 1935. Tout en retenue : la nature et la vie semblent se cacher. Le peintre vivra ici jusqu’à la fin de sa vie, avec l’interruption des mois passés à la guerre et à Colmar.

2. Le camp des prisonniers à Colmar/Logelbach

Logelbach   Logelbach

Usine Haussmann vers 1900 (Textilunternehmen Haussmann um 1900)
Gravure, Cabinet des Estampes, Bibliothèque des Dominicains Colmar

  Usine Haussmann après l’incendie 1961 (Haussmann nach Brand 1961)
/ Photographie, documents remis

Ici vous voyez le grand bâtiment Tissage & Filature de l’entreprise Haussmann. La photo de droite a été prise le jour après l’incendie de février 1961. Aujourd’hui s’y trouve le Quai 140 que vous connaissez tous. Au printemps 1945, à la fin de la seconde guerre mondiale, ce bâtiment fut choisi par l’administration militaire française pour l’accueil des prisonniers de guerre de l’Axe, c.-à-d. allemands, autrichiens et hongrois. Ce grand bâtiment avait 5 étages et 388 fenêtres, d’après le renseignement de M. André Roth, l’ancien directeur de Haussmann.

Mais avant de parler du camp, parlons brièvement de la guerre.

Colmar

Robert Gall : Colmar, Carrefour rte de Strasbourg le 2 février 194
/ Dessin, Bibliothèque des Dominicains Colmar

Robert Gall : « Maison Rouge »
/ Dessin, Bibliothèque des Dominicains Colmar

Colmar, route de Strasbourg le 2 février, la dernière bataille et la libération – et, plus dramatique encore la Maison Rouge, une des batailles de la Poche de Colmar. Ces dessins avaient été faits par Robert Gall, peintre Colmarien. Robert Gall est né en 1904 à Colmar. Après sa scolarité au Lycée Bartholdi, il intégra l’École Nationale des Arts Décoratifs de Paris et entra par la suite aux Ateliers d’art Sacré de Maurice Denis et Georges Desvallières. De retour en Alsace, il devint le moteur, l’initiateur d’un art sacré moderne en Alsace. Si je vous le présente ici, c’est parce qu’il jouera un rôle important pour Otto Dix. C’était le Général Schlesser qui lui avait demandé de faire des dessins de ce qui s’était passé dans la Poche de Colmar. A l’époque, il n’y avait pas encore de reporters de guerre avec leurs appareils photo ou leurs caméras. Ce recueil de 28 dessins fut publié sous le titre Le Calvaire de la Victoire. La guerre se termina à Colmar et dans les environs, le 9 février 1945.

Robert Gall Robert Gall

Photographie de Robert Gall
/ Archive Biellmann-Gall

« Le Calvaire de la Victoire en Alsace après la tempête » 1945
/ Dessins, Bibliothèque des Dominicains Colmar

 

Mais pas partout en Alsace : Les Dernières Nouvelles du Haut-Rhin du 20 mars 1945 annoncent – en version bilingue – la libération de l’Alsace entière. La Première Armée Française avait libéré Lauterbourg et était entré dans le Palatinat. A partir de ce jour et jusqu’à la fin de la guerre, les troupes françaises avancent dans la plaine du Rhin. Dans les troupes allemandes se trouvaient ces soi-disant soldats, les hommes du Volkssturm - je cite « ce dernier déploiement militaire, en général mal armé et à peine formé, pour soutenir l’armée allemande dans la défense du territoire du Reich ». C’étaient des hommes au-delà de 50 ans ou des jeunes à partir de 16 ans.

Dernières Nouvelles du Haut-Rhin 20 mars 1945
/ Bibliothèque des Dominicains Colmar

Dernières Nouvelles du Haut-Rhin 17 mars 1945
/ Bibliothèque des Dominicains Colmar

C’est dans cette troupe que se trouvait Otto Dix. Il avait été appelé sous les drapeaux malgré son âge, malgré une attestation médicale et malgré sa participation à la première guerre mondiale. Enrôlé le 15 mars, il se trouvait près de Rastatt. Dans les cartes postales qu’il envoie à sa famille il se plaint surtout du manque de nourriture et de vêtements adaptés, mais avec un brin d’humour, il dit aussi : « ...pour l’instant, je suis encore gaillard et en bonne santé ».

Dernières Nouvelles du Haut-Rhin 17 avril 1945
/ Bibliothèque des Dominicains Colmar

Le front se déplace dans la plaine de Bade : Les DN du Haut-Rhin du 17 et du 18 avril parlent d’avance des troupes françaises dans la plaine et vers les sommets de la Forêt-Noire où elles font 1.800 prisonniers. Parmi ces prisonniers se trouve Otto Dix. Il écrira plus tard à sa famille « Bien chers tous, vous savez certainement déjà que je suis, depuis le 18 avril, en captivité en France ».

Était-il venu directement à Colmar ou d’abord ailleurs ? Pourquoi l’avait-on envoyé au camp de Colmar et pas dans un camp plus proche ? Des questions auxquelles on n’a – pour le moment du moins – pas de réponses.

Retournons au camp des prisonniers de Colmar/Logelbach. Les camps étaient organisés par l’administration militaire. En Alsace, Xe région militaire, il existait 4 camps : le 101 à Strasbourg-Mutzig, le 102 à Colmar/Logelbach, le 103 Brumath et le 104 Mulhouse-Saint Louis.

La France avait un énorme manque de main d’œuvres. Le gouvernement décréta alors, dans la directive No. 1 du 7 août 1945 : « Le but à atteindre avec la main d’œuvre prisonnière : obtenir le maximum de travail au bénéfice de la France par un maximum d’effectifs ». Pour y arriver, il fallait – je cite « maintenir les prisonniers de guerre en condition de travail par une alimentation, un habillement, un logement, un couchage, de l’hygiène et des soins suffisants », en plus « une discipline sans vexation ni brutalité ». Le nombre des prisonniers était, selon une note du 17 juillet, de 543.000 ; on en attendait pour le 15 août 659.000 – avec l’aide des États-Unis qui devaient fournir des « livraisons », et pour le 1er janvier 1946, le gouvernement prévoyait 1.279.000 prisonniers comme main d’œuvres pour l’industrie, l’agriculture, l’artisanat et le domaine militaire. Le maximum devait être atteint, le 1 juillet 1946 avec 100.000 prisonniers de guerre par région ! Ces chiffres étaient irréalistes.

En réalité le nombre le plus élevé atteint pour la Xe Région militaire, l’Alsace, a été au 1er septembre 1945 de 28.126 prisonniers allemands, autrichiens ou hongrois. Répartis sur les 4 camps, cela donnait environ 7.000 prisonniers par camp. Pourquoi cette différence entre la réalité et les prévisions ? Sans doute ceci, je cite un extrait d’une lettre de la Croix Rouge Française de septembre 1945 : « Sur 200.000 hommes, un tiers est inapte au travail pour des raisons de maladie ou de sous-alimentation grave et ne supporterait pas les rigueurs de l’hiver ». Une autre lettre souligne les problèmes d’alimentation en disant que la ration fixée par personne et délivrée dans la mesure du possible était une ration de famine. Elle recommande – pour l’anecdote - de distribuer aux prisonniers allemands au lieu des pommes de terre rares et chères, - je cite « de l’orge perlé, alimentation très appréciée par les allemands dont dispose l’Office National Interprofessionnel des Céréales en quantité ». L’orge perlé est encore effectivement de nos jours un aliment apprécié et populaire en Allemagne !

Le Logelbach / Archive Mouchet

Usine Haussmann / Photographie, document remis

A Colmar, à partir du mois d’avril – la date exacte d’ouverture n’est pas connue - environ 7000 à 7500 prisonniers se répartissaient sur les étages. Sur ce nombre, environ les deux tiers étaient envoyés dans la journée dans une des entreprises de la région, qui en avaient fait la demande. Il existait en plus des petits camps dans les villages comme à Ostheim, Sigolsheim, ou encore  Wintzenheim où environ 40 prisonniers logeaient dans le bâtiment de la Société Chorale Laurentia.

Dans le grand camp de LogeIbach, les prisonniers couchaient à même le sol, sans couvertures ni chauffage. Les conditions d’hygiène étaient plus que précaires. Mais le pire était, selon un témoin, le Dr. Heussen, un prisonnier-médecin, la famine : « On perdait 4 à 5 prisonniers par jour ».

Le camp était géré par un commandant, un lieutenant, Monsieur Aloyse Ruff un Colmarien, instituteur dans la vie civile (né à Buethwiller/Sundgau, mort en 1982 à Colmar).

Otto Dix   Otto Dix
OD : Selbstbildnis I 1948 (Autoportrait I 1948)
/ Lithographie Otto-Dix-Stiftung
 

Otto Dix 1952 / Photographie Fritz Eschen
/ Otto-Dix-Stiftung

Otto Dix arriva donc en avril 1945. Comme il le raconta plus tard à sa famille, il devait d’abord participer à la mission « Épluchage de pommes de terre », ensuite il était prévu pour une mission de déminage. « A ce moment-là » raconte-il dans une lettre « je me suis tout de suite présenté auprès du commandant, et depuis je peins ». C’est au courant du mois de mai, que le commandant fait la connaissance du peintre. Un témoin a raconté que, quand Dix lui révélait son identité, le commandant avait consulté à la maison une Histoire de l’Art et y avait trouvé un article concernant ce prisonnier. Il avait amené le livre au camp pour vérification, et ensuite, il avait agi tout de suite. Le Dr. Heussen écrit à ce propos « Le commandant saisit immédiatement le parti qu’il pouvait en tirer ».

Lajos Cziraki

 Cziráki Lajos : Logelbach Lager 1945 / Dessin, Cabinet des Estampes, Bibliothèque des Dominicains Colmar

Il créa une mission « groupe d’artistes » et leur fournit un premier local. Les artistes choisis (par qui ?) se mirent avec enthousiasme au travail. Quelques uns des peintres ont dessiné le camp. Voici Lajos Cziráki, peintre hongrois de Györ. Sa veuve a fait cadeau de ce dessin à la Ville de Colmar après sa mort : On y reconnait le Logelbach avec le petit pont, un mirador et des chiens de garde, au fond la tour du chauffage.

Otto Dix

OD : Lager in Logelbach 1945 (Le camp des prisonniers à Colmar/Logelbach) / Dessin non localisé

Peter Jakob Schober Schober

Peter Jakob Schober :
Für Otto Dix zur Erinnerung 1961 (Pour O.D. en souvenir 1961)
/ Zeichnung, Otto-Dix-Stiftung

Peter Jakob Schober :
In Logelbach wird ein Atelier... (À Logelbach, un atelier est...)
/ Zeichnung, Otto-Dix-Stiftung

Voici un dessin de Dix : une vue vers l’ouest, on reconnait l’église de Logelbach. Cette vue du haut laisse supposer que ce premier local des artistes se trouvait en hauteur, peut-être sous les combles ; Peter Jakob Schober, un peintre de Stuttgart, avait dessiné le grand bâtiment au fond, et devant un mirador, des barbelés ; sur le petit dessin de Schober, un autre atelier avec de la lumière du haut, peut-être dans une baraque dans la cour.

  Otto Dix

Chapelle protestante, xylogravure signé WS 46
(Evangelische Kapelle, Holzschnitt signiert WS 46)
/ Musée Unterlinden

 

Chapelle catholique, photographie anonyme, 1946
(katholische Kapelle, Fotografie anonym)
/ Musée Unterlinden

Le commandant fit aussi installer sous les combles 2 chapelles, l’une protestante, l’autre catholique, on ne sait pas si c’était à son initiative ou celle des prisonniers. Toujours est-il qu’il y avait un curé du cloître de Beuron et un pasteur, allemand lui aussi.

Peter Jakob Schober :
Der große Auftrag (La grande commande) / Zeichnung, Otto-Dix-Stiftung

Photo du camp des prisonniers, 1945
avec André Schillinger / Collection A. Schillinger

Le commandant ordonna aux peintres en premier de faire 12 grands tableaux représentant De Gaulle.

Monsieur Ruff ordonna – ou faut-il dire proposa ? - à son prisonnier célèbre de faire un retable pour la chapelle catholique. Dix se mit au travail.

3. Otto Dix artiste–prisonnier à Colmar

Otto Dix

OD : La Madone aux barbelés 1945 (Die Madonna vor Stacheldraht und Trümmern 1945)
/ Kirche Maria Frieden Berlin-Mariendorf

Voici le retable de La Madone aux barbelés, son troisième retable. Il existe au Musée Unterlinden plusieurs esquisses préparatoires, de Saint-Paul surtout, mais aussi une étude préparatoire du retable en entier. Que voit-on ? Sur le panneau central, Marie est assise tenant l’enfant Jésus dans ses bras, qui fait le signe de bénédiction de la main droite. Il tient dans sa main gauche une boule, le globe terrestre. Marie est majestueuse par l’ampleur d’une robe rose et d’un large manteau bleu foncé. L’expression de douceur de son visage liée à cette solennité rappelle La Vierge au buisson de roses de Schongauer ainsi que La Nativité de Grünewald.

Schongauer  -  Dix   - Grunewald
(Doc. Goerig-Hergott, Musée Unterlinden)

Dix avait vu le Retable d’Issenheim, certainement par l’intermédiaire de Robert Gall. Il en parle à 2 reprises dans ses lettres, je cite : « J’ai vu le Retable d’Issenheim deux fois. C’est une œuvre puissante, d’une audace et d’une liberté extraordinaire en dehors de toute composition et construction, mystérieusement inexplicable dans son contexte ».

Les tableaux latéraux montrent Saint-Paul à gauche et Saint Pierre à droite. Pour les deux apôtres, ainsi que pour le fond du tableau central, le peintre avait choisi de présenter des moments et des lieux de captivité : Au lieu d’un jardin au buisson de roses, il y a la vue sur Logelbach et son église, sur l’entrée de la vallée de Munster et les Grand et Petit Honack ; et à côté de la Madone, des fils de fer barbelés rappellent l’enfermement des prisonniers. Saint-Paul est présenté en vieillard, qui lève au ciel les bras enchaînés, derrière lui la masse des prisonniers, parmi eux Otto Dix. A droite Saint-Pierre vu de dos, en jeune homme agenouillé devant l’apparition de l’ange libérateur. Les deux scènes se rapportent aux Actes des Apôtres.

Le retable mesure 1,11m x 1,64 m. On ne peut que rester admiratif devant cet énorme travail d’imagination et de composition. D’après l’historien d’art Hans Wille, cette création a été réalisée dans un laps de temps extrêmement court, si on prend en compte tous les contacts et entretiens préalables, la planification, les études préparatoires, le processus de peinture au glacis – et tout cela dans les conditions d’un camp de prisonnier, un lieu sans aucune intimité ni de jour ni de nuit, si ce n’était l’atelier des peintres, où Dix disposait – quel luxe – d’un tiroir pour ses effets personnel (pipe, crayons, papiers de dessin, trouvé en été 1946 par un autre peintre).

En fait, si cette œuvre a pu se faire, c’était grâce à la générosité du Commandant Ruff qui lui ouvrit le chemin vers son ami Robert Gall. Celui-ci l’avait sollicité pour avoir des jardiniers. Le commandant pouvait donc- grâce à cette demande – envoyer deux peintres, Dix et Schober, qui travaillaient dans l’atelier de Robert Gall, mangeaient à midi avec la famille Gall et rentraient le soir au camp.

Les deux hommes qui ont marqué le séjour du peintre à Colmar :
- Aloyse Ruff : né en 1908 à Buethwiller dans le Sundgau, mort en 1982 à Colmar, instituteur dans le civil, commandant du camp des prisonniers de Colmar-Logelbach en 1945.
- Robert Gall.

Otto Dix

Robert Gall (à droite) en compagnie de Otto Dix à Hemmenhofen, Pâques 1957
/ Archive Biellmann-Gall

C’est donc là que ce retable fut créé, et c’est là qu’a commencé l’amitié entre ces deux artistes, qui se découvraient des atomes crochus. Ce travail dura environ 2 mois et demi. Dix en parle à plusieurs reprises dans ces lettres, je cite : « Le retable pour les prisonniers que je peins depuis 6 semaines est bientôt terminé, au milieu la madone, à gauche Saint-Paul, Saint-Pierre à droite enchaîné, en patron des prisonniers, le paysage est constitué par la montagne, le camp des prisonniers ». Ceci en juillet, et en août, je cite : « Pour l’instant je peins toujours un triptyque pour l’autel des prisonniers » ; et puis, il n’en parle plus !

Le triptyque n’a jamais été installé dans la chapelle des prisonniers. Il avait - je cite : « trouvé d’autres amateurs », en la personne – nous le savons aujourd’hui, mais les prisonniers le savaient déjà – du Commandant Ruff. Le médecin-prisonnier Heussen raconta à ses filles que c’était un secret de polichinelle que le Commandant avait emporté le retable pour le cacher chez lui. A partir de ce moment, Otto Dix ne mentionna plus ni le retable ni le Commandant dans ses lettres. Ce geste pour le moins cavalier a dû le blesser profondément.

Otto Dix  

OD : La madone de Colmar (Die Madonna) 1945
/ Kunstarchiv der Erzabtei St. Martin in Beuron

 

Chapelle Catholique

Par contre, il peint une deuxième Madone simplifiée, La Madone 1945, qui trouva sa place effectivement dans la chapelle catholique jusqu’en 1946. Les tableaux latéraux, deux dessins au fusain, qui représentaient Saint-Paul et Saint-Pierre, furent réalisés par son collègue Schober. Le crucifix à l’entrée de la chapelle fut fait par le sculpteur Hermann Berges ainsi que le soldat en prière dans la chapelle protestante. Cette seconde Madone fut, à l’initiative du curé et avec l’aide du sculpteur Berges, en été 1946 échangé et transféré clandestinement à l’Abbaye de Beuron où elle se trouve toujours. Elle sera d’ailleurs visible cet automne 2016 au Musée Unterlinden !

Otto Dix lui-même n’a plus jamais revu ni la première ni la deuxième madone.

L’amitié entre les deux artistes ne s’arrêta pas pour autant. Il y avait des sorties dans les environs comme à Ammerschwihr ou dans les Vosges, mais aussi des aides essentielles, ainsi Gall alla à Zurich pour voir des amis de Dix, pour y acheter des couleurs, des crayons, du tabac (Dix était un fumeur invétéré), ou simplement faire passer le courrier dans un sens et dans l’autre. Gall admirait Dix, Dix appréciait le caractère fiable et sincère de Gall, et ils trouvaient des points communs dans leur travail, dans la manière de voir, d’observer, même si leurs positions vis-à-vis de la religion étaient différentes.

Otto Dix   Otto Dix

OD : Paysage alsacien avec arc-en-ciel (Zimmerbach), 1945
/ Collection particulière

 

OD : Carrières rouges dans les Vosges, 1945
/ Non localisé

Dix ne resta donc pas inactif. Il y avait d’autres personnes, chez qui il fut invité à passer la journée pour peindre des paysages et d’autres sujets. Ici un Paysage alsacien avec arc-en-ciel (Zimmerbach) 1945. Le propriétaire de ce tableau, un ami, m’a fait remarquer que l’arc-en-ciel est fait en bleu-blanc-rouge, et ça ne serait pas un hasard mais voulu par le peintre pour montrer ses sympathies pour la France. Ou encore Carrières rouges dans les Vosges 1945. Dans les deux tableaux, le ciel paraît lourdement chargé de nuages.

Otto Dix   Otto Dix

OD : Portrait de Germain Dumoulin, 1945
(Porträt Germain Dumoulin)
/ Otto Dix Stiftung, Vaduz

 

OD : Portrait de Madeleine Dumoulin, 1945
(Porträt Madeleine Dumoulin)
/ Otto Dix Stiftung, Vaduz

Il fit des portraits, voici le couple Germain et Madeleine Dumoulin qui habitait la rue Adolphe Hirn à Logelbach. Il travaillait contre un paiement en nature, c’est-à-dire, il mangeait, buvait et fumait à volonté, comme il écrit à sa femme. La conservatrice du Musée Unterlinden, Frédérique Goerig-Hergott, a relevé un nombre impressionnant de peintures et de dessins faits à Colmar.

Otto Dix

OD : Le Christ guérissant un aveugle, 1945 (Die Heilung des Blinden - Christus als Arzt)
/ Kunstsammlung, Gera

Il y avait enfin des peintures sur des thèmes religieux, comme celle-ci : Le Christ guérissant un aveugle 1945. Ce tableau a été fait à la demande du Docteur Heussen, dont nous avons déjà parlé plusieurs fois. Il raconte « Nous étions 4 médecins au camp. Chacun voulait avoir un souvenir du grand maître. C’était en novembre ou décembre 1945 quand il me demanda quel sujet je souhaitais qu’il réalise. Il connaissait ma conception de la vie, et je lui demandais de me faire un tableau "Le Christ médecin". Je le laissais décider des détails. Pendant quelques jours il marcha dans le camp, les mains dans le dos, plongé dans ses réflexions, et peu de temps après le tableau avait pris forme dans son esprit. Je lui fournis un drap blanc il lui restait encore assez de peinture. Ainsi naquit cette œuvre, où il se représenta dans le personnage de l’aveugle ».

A la libération, le médecin emporta le précieux tableau roulé autour du ventre chez lui. Il se trouve aujourd’hui au Musée Dix à Gera, donné en prêt par la famille Heussen.

Dr. Lambert Heussen / Photo, Archive Heussen

Le quai 140 en 2012 / Photo, Archive Mouchet

Voici le Docteur Lambert Heusen et ses filles Heussen-Todt en 2012 devant le Quai 140, le lieu de captivité de leur père.

Otto Dix

OD : Portrait d'un prisonnier de guerre (Otto Luick), 1945
/ Musée Unterlinden

Ce tableau Portrait d’un prisonnier de guerre (Otto Luick) 1945, un autre cadeau pour un médecin du camp, représente un camarade-peintre d’Esslingen. Il fut fait et dédicacé pour le Dr. Wippern et se trouve aujourd’hui au Musée Unterlinden.

Permettez-moi de parler à cet endroit des témoins, des personnes qui avaient à l’époque rencontré Otto Dix et qui ont pu en parler maintenant : Mme Geneviève Biellmann-Gall, une des filles de Robert Gall qui décrit Dix comme un homme cultivé mais pas mondain ; Monsieur Jacques Baeuerlé, aumônier à la retraite à Colmar, à l’époque étudiant en théologie protestante, avait rencontré le peintre à Muntzenheim chez le pasteur Schneider : « Dix apparaissait amer et renfermé » était son impression de cette rencontre ; il y a le témoignage de Mme Ossola. Elle avait vu Dix dans la cabane de jardin des Gall avec – je cite « ce regard d’une tristesse abominable... J’ai gardé le souvenir d’une personne assez grande, maigre et terriblement triste ». Mme Ossola n’a appris que plus tard qui était cet homme triste.

Peter Jakob Schober : Die Maler ziehen um (Les peintres déménagent)
/ Otto-Dix-Stiftung 

Pour terminer cet exposé, un autre dessin de P.J. Schober, Les peintres déménagent le 6 novembre 1945 à la Caserne Walter à Colmar. Est-ce que seuls les peintres devaient déménager ou d’autres prisonniers encore ? En tout cas, en été 1946, il y avait, d’après le sculpteur Hermann Berges, encore environ 1.500 prisonniers dans le camp de Logelbach.

Otto Dix$

OD : Portrait de Paul André Durr (chemise ouverte) 1945 / Non localisé

Mais Otto Dix n’était pas parmi eux. Il avait eu la permission de quitter le cadre du camp et de suivre l’invitation de Maurice Durr, fabricant de voitures, rue Vauban à Colmar. Officiellement peintre en carrosserie, il vivait chez la famille Durr, en semi-liberté. En remerciement, il réalisa des portraits du fils Paul-André Durr 1946..

Otto Dix   Otto Dix
OD : Ecce Homo, 1945
/ Collection particulière
OD : Intérieur avec Ecce Homo, 1945
/ Otto-Dix- Archiv Bevaix

Il a travaillé beaucoup chez eux, heureux d’être sorti du cadre du camp. Voici un magnifique Ecce homo 1945. On ne sait pas pour qui ce tableau était composé, était-ce pour la chapelle ou pour un cadre privé d’un des clients colmariens ?

Otto Dix

OD : Selbstbildnis als Kriegsgefangener 1947
/ Kunstmuseum Stuttgart

En février 1946, Otto Dix fut enfin libéré avec un groupe de prisonniers, parmi eux aussi le médecin Heussen, le peintre Luick et bien d’autres encore. Ce tableau qui clôturera mon exposé montre Otto Dix en prisonnier de guerre, fait en 1947 Autoportrait en prisonnier de guerre 1947. Il exprime la solitude, la souffrance que le peintre avait vécue pendant son emprisonnement, l’expérience de ne pas être un homme libre. Il meurt en 1969.

En 1987 – le retable La Madone aux Barbelés réapparaît à la Galerie Lempertz à Cologne et est acquis par le Sénat de Berlin pour un prix de 250.000 DM. Il est visible dans l’église catholique Maria Frieden dans le quartier Tempelhof. Le camp des prisonniers de Colmar/Logelbach sera officiellement dissout le 1er octobre 1947.

Erdmuthe MOUCHET


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