WINTZENHEIM 39-45

Exposition au Musée Unterlinden - Colmar

Otto DIX et le retable d'Issenheim


Colmar - Musée Unterlinden : Recherche d'œuvres de Dix

Dans le cadre de la préparation de l'exposition « Otto Dix et le Retable d'Issenheim » du 8 octobre 2016 au 30 janvier 2017, et d'un catalogue de référence, le musée Unterlinden recherche sept œuvres du peintre allemand Otto DIX (1891-1969).

- La sorcière, 1932, 100 x 70 cm, technique mixte sur panneau, dernière localisation : collection particulière Stuttgart.
- Tentation de saint Antoine (sans tête de Christ), 1937, 42 x 40 cm.
- Orage au Monts des Géants, 1942, technique mixte.
- Nativité/Adoration sous la neige, 1943, technique mixte sur bois.
- Le camp de prisonniers à Colmar, 1945, crayon sur papier, 9,2 x 18,6 cm.
- Nativité, 1945, huile sur panneau, 98 x 79,5 cm, dernière localisation : collection particulière Essen.
- Ecce Homo I (Matth. 27,25), 1948, huile sur toile marouflée sur panneau aggloméré 100 x 80 cm.

La découverte de ces œuvres enrichira le corpus de l'exposition consacrée à Dix et à la réception du retable d'Issenheim dans son oeuvre. Toutes documentations afférentes (correspondances, archives...) sont également recherchées, en particulier celles concernant le séjour de l'artiste à Colmar.

Source : Les DNA du jeudi 25 février et L'ALSACE du mardi 8 mars 2016


Le musée de Colmar est formel : un chef-d'œuvre d'Otto Dix dort peut-être dans votre grenier

La chose est commune en Allemagne, plus rare en France. Le musée Unterlinden s'est lancé dans une vaste enquête pour retrouver sept œuvres du peintre allemand. En ligne de mire, une exposition à l'automne 2016.

« Avis de recherche » – tel est bien l’intitulé d’un communiqué tout de même peu banal, dans le monde culturel français : « Le musée Unterlinden recherche sept œuvres d’Otto Dix – Toutes documentations afférentes, telles que correspondances ou documents d’archives, sont également sollicitées. » Publiée sur le site Internet du musée de Colmar, la requête a en outre été relayée en Allemagne, où les sept œuvres en question pourraient tout aussi bien se trouver… et où une telle démarche d’appel à la population n’a rien de singulier : « Elle est même courante, c’est un réflexe, chez nos voisins allemands », explique Frédérique Goerig-Hergott, la conservatrice en chef du musée Unterlinden, à laquelle revient cette initiative. En Allemagne où des dizaines de milliers d’œuvres furent déplacées, détruites ou spoliées sous le régime nazi, « on pratique régulièrement ce genre de mise à contribution, pour retrouver les traces d’une œuvre disparue », poursuit la conservatrice. Aussi lancer un tel appel lui-a-t-il semblé « évident », tandis qu'elle prépare, pour l'automne, une grande exposition consacrée à Otto Dix (1891-1969), et plus exactement à la relation unique que toute l'œuvre du peintre allemand entretint non seulement avec l'art ancien mais avec le retable d'Issenheim en particulier, le chef-d'œuvre de Grünewald (v. 1475/1480-1528) réalisé à Strasbourg au début du XVIe siècle : hanté par lui.

Otto Dix  Dix

Otto Dix, La Sorcière, 1932

Otto Dix, « le nouveau Grünewald »

De ce point de vue, l'arrestation puis l'incarcération à Colmar d'Otto Dix en tant que prisonnier de guerre, à l'âge de 54 ans, tandis que le conflit touchait à sa fin (avril 1945-février 1946), fut « providentielle » : n'est-ce pas précisément là, dans l'ancien couvent des Dominicaines, que le fameux retable était exposé – celui dont il n'avait jamais cessé de s'inspirer à distance ? Otto Dix, que déjà ses contemporains avaient surnommé « le nouveau Grünewald », dans les années 1920-1930, tandis qu'il se rattachait brillamment au courant de la Nouvelle Objectivité, ne pouvait pour ainsi dire mieux tomber. D'autant que, poussant la chance jusqu'à devenir le protégé d'un lieutenant de camp particulièrement éclairé, l'artiste eut la possibilité d'aller voir au moins à deux reprises, au cours de sa période d'incarcération, le retable au réalisme radical et visionnaire, réputé en particulier pour sa terrible « Crucifixion ».« J’ai vu deux fois le retable d’Issenheim, une œuvre impressionnante, d’une témérité et d’une liberté inouïes, au-delà de toute “composition”, de toute construction, et inexplicablement mystérieuse dans ses différents éléments », écrit ainsi Otto Dix à sa femme en septembre 1945. Plus que jamais, les œuvres qu'il put continuer à réaliser pendant sa « période de Colmar » furent « infusées » par cette proximité.

Source : Lorraine Rossignol, Télérama, Arts et Scènes, 7 avril 2016


 Suchmeldung für Bilder von Otto DIX - Unterlinden-Museum sucht Otto-Dix-Werke für große Werkschau

Colmar - Das Unterlinden-Museum im elsässischen Colmar sucht für seine Ausstellung «Otto Dix und der Isenheimer Altar» noch sieben Werke des deutschen Malers (1891-1969), darunter «Ecce Homo I» und «Die Versuchung des heiligen Antonius». Sie würden die am 8. Oktober beginnende Werkschau bereichern, wie die Kuratorin Frédérique Goerig-Hergott sagte. Es handle sich um Bilder in Privatsammlungen, die in den vergangenen Jahren in verschiedenen Museen ausgestellt wurden. Man habe seitdem aber ihre Spur verloren. Entweder habe der Besitzer gewechselt oder dessen Adresse stimme nicht mehr, erklärte die Kunsthistorikerin.
Gezeigt werden rund 100 Werke, die die Frage illustrieren sollen, inwieweit das künstlerische Schaffen von Otto Dix vom Isenheimer Altar des Matthias Grünewald beeinflusst wurde. Dix war von 1945 bis 1946 Kriegsgefangener in Colmar. Einige der gesuchten Werke seien während dieser Zeit entstanden, sagte die Kuratorin. «Otto Dix und der Isenheimer Altar» ist die erste Einzelausstellung seit der Wiedereröffnung des erweiterten Museums Mitte Dezember 2015. Das Unterlinden-Musuem sei das erste Museum in Frankreich, das eine Suchmeldung nach Werken aufgebe. In Deutschland sei das gängiger, erklärte die Kuratorin.

http://www.europeonline-magazine.eu/unterlinden-museum-sucht-otto-dix-werke-fuer-grosse-werkschau_449331.html


Musée Unterlinden : Avez-vous un Otto Dix dans le grenier ?

Le musée Unterlinden de Colmar est à la recherche de sept œuvres de l’artiste allemand Otto Dix, afin de compléter l’exposition qu’il présentera à partir du 8 octobre. Une rétrospective, forte, pour l’instant, de 120 huiles, dessins et gravures, consacrée à l’influence du retable d’Issenheim sur le travail de Dix, qui fut prisonnier à Colmar en 1945-46.

La chose n'est pas banale, selon certains ce serait même une première en France : la conservatrice en art moderne du musée Unterlinden lance « un avis de recherche » pour sept œuvres d'Otto Dix. Frédérique Goerig agit ainsi dans son rôle de commissaire de la prochaine exposition de l'institution colmarienne qui sera consacrée au peintre allemand, et plus particulièrement à sa forte relation avec le retable d'Issenheim (lire encadré). « C'est le seul artiste à avoir cité [artistiquement] le retable durant toute sa carrière, dans le choix des couleurs, des sujets, des motifs et des techniques inspirées des maîtres anciens », indique la conservatrice.
Une fois le thème fixé, Frédérique Goerig s'est plongée dans les publications pour recenser toutes les œuvres pouvant appuyer son propos. Elle en a retenu 127 appartenant à 44 institutions, à 24 collectionneurs privés... et sept non localisées, celles qu'elle recherche aujourd'hui. « C'est peut-être mon côté jusqu'au-boutiste, je veux épuiser toutes les possibilités de recherche... »

Une cinquantaine d'œuvres dans la nature

Il faut dire qu'il y a des raisons de penser que ces tableaux et dessins soient dans le coin, puisqu'Otto Dix a passé une petite année à Colmar (d'avril 1945 à février 1946), au camp de prisonniers du quartier de Logelbach. Il avait été enrôlé de force un mois avant dans la Volkssturm. C'est à l'époque un peintre reconnu en Allemagne et le commandant français du camp, le lieutenant Rueff, le sait. Grâce à lui, Otto Dix aura un statut privilégié. Il sera envoyé chez des Colmariens qui lui permettront de peindre au lieu de travailler. En échange, l'artiste leur fera cadeau de tableaux. Comme il en donnera à quatre médecins prisonniers du camp, en remerciement de leurs soins, ou tout simplement en souvenir au moment de son retour en Allemagne. C'est dire que pas mal de peintures ou dessins sont partis dans la nature alsacienne et avoisinante. Y sont-ils encore aujourd'hui ? Mystère.
Frédérique Goerig a publié une étude en 2012 sur les œuvres réalisées par Otto Dix à Colmar, elle a recensé 25 peintures et une cinquantaine de dessins. Environ un tiers sont localisées. Elle a pisté l'artiste allemand en s'appuyant sur les lettres qu'il envoyait à sa femme. On sait ainsi qu'il a été accueilli chez le peintre colmarien Robert Gall jusqu'en août 1945, puis chez Germain Dumoulin, puis chez Victor Knobloch, et enfin chez Maurice Dürr jusqu'en décembre.

Des tableaux dont on perd la trace

En fonction des dates des œuvres, on sait donc où elles ont été réalisées : La Tête de Christ récemment acquise par le musée Unterlinden a été peinte en 1946, juste avant son retour en Allemagne, donc chez Germain Dumoulin. On peut connaître les premiers bénéficiaires, mais ces derniers ont pu les vendre depuis et les tableaux ont ainsi fait leur chemin dont, parfois, on perd la trace.
Pour les sept pièces recherchées, Frédérique Goerig a questionné les institutions, les spécialistes d'Otto Dix. Elle a également surfé sur les sites de ventes aux enchères - ce qui lui a permis, au passage, de trouver trois œuvres qu'avait achetées un collectionneur suisse, que Christie's a accepté de mettre en relation avec elle (Portrait de Mme Bahle avec Enfant, Prisonniers de guerre et Annonciation que l'on verra dans l'exposition). Comme tout cela n'a rien donné, elle s'est donc décidée à lancer un appel aux propriétaires de ces sept œuvres.

La liste des œuvres recherchées

Sont recherchés : La Sorcière, une peinture sur bois dont la dernière localisation était chez un particulier à Stuttgart ; Tentation de saint Antoine, daté de 1937 ; Orage au Mont des Géants, de 1942 (où l'on retrouve le lichen pendant de troncs morts, comme chez Grünewald) ; une Nativité de 1945, réalisée chez Robert Gall, qui fut un temps chez un particulier à Essen ; Nativité/Adoration sous la neige, une peinture sur bois datée de 1943 ; Le Camp de prisonniers à Colmar, un dessin de 1945 ; Ecce Homo I, une huile sur toile marouflée sur panneau aggloméré, datée de 1948, qui évoque la souffrance du Christ et de l'homme universel.


Tentation de Saint-Antoine

Orage au Mont des Géants

Nativité

Nativité/Adoration sous la neige

Sur son site internet, le musée colmarien précise qu'il recherche aussi « toutes documentations afférentes, telles que correspondances ou documents d'archives », en particulier celles concernant le séjour de l'artiste à Colmar. Et interpelle le public : « N'hésitez pas à nous signaler si l'une de ces œuvres d'Otto Dix ou tout autre document concernant cet artiste vous est connue... »


Ecce homo I

Camp de prisonniers à Colmar-Logelbach

Qui est Otto Dix

Otto Dix (1891-1969) est un peintre allemand rattaché au mouvement de la Nouvelle objectivité. Très connu dans son pays, il fut classé « artiste dégénéré » par les nazis en 1933 et destitué de son poste de professeur à Dresde. Il ne quitte pas le pays, comme d'autres, mais se retire sur les bords du lac de Constance. Après la Seconde Guerre mondiale, avec l'essor de l'abstraction, celui qui resta fidèle à la figuration fut perçu comme un peintre du passé et ne retrouva plus jamais la même reconnaissance. Dix, traumatisé par son expérience des tranchées, a beaucoup peint la violence de la guerre, notamment dans Der Krieg. La France lui a consacré peu d'expositions : Beaubourg en 2003, Saint-Paul de Vence en 1998, ou le musée Unterlinden, qui possède huit œuvres de l'Allemand, en 1996, sous le titre « Otto Dix et les maîtres anciens ».

« Le nouveau Grünewald »

« J'ai vu deux fois le retable d'Issenheim, une œuvre impressionnante, d'une témérité et d'une liberté inouïe, au-delà de toute "composition", de toute construction, et inexplicablement mystérieuse », écrivait Otto Dix à sa femme le 15 septembre 1945, alors qu'il était prisonnier à Colmar. Le fameux triptyque était revenu à Colmar deux mois auparavant... Le peintre allemand est le seul artiste à avoir été imprégné toute sa vie par l'œuvre de Mathis Gothart Nithart, et notamment par le retable. On le surnommait d'ailleurs « le nouveau Grünewald ».
D'où l'idée de monter une exposition sur Dix et le retable, qui sera proposée par le musée Unterlinden du 8 octobre 2016 au 30 janvier 2017. « Je montrerai de quelle manière il a utilisé les sujets abordés par Grünewald, comme l'Annonciation, saint Antoine, la Crucifixion... », indique la commissaire Frédérique Goerig. L'occasion aussi de faire découvrir cet immense artiste encore très méconnu en France. On y verra notamment La Madone aux barbelés, Flandres (un hommage à l'écrivain français Henri Barbusse) ou le fameux Portrait de la journaliste Sylvia von Harden.

Annick Woehl, L’ALSACE du jeudi 14 avril 2016 


Musée Unterlinden : « L'Orage » retrouvé grâce à « L'Alsace »

Une des sept œuvres du peintre allemand Otto Dix recherchées par le musée colmarien en vue d’une exposition en octobre a été retrouvée. Propriété d’une famille lorraine, elle a été revendue à une fondation privée à Darmstad.

L'œuvre, réalisée en technique mixte, date de 1942.

Nous relayions, dans L'Alsace de jeudi, l'avis de recherche du musée Unterlinden en quête de sept œuvres d'Otto Dix pour la préparation de son exposition sur le peintre allemand en octobre prochain. L'Alsace avait décidé de publier les photos de tous les tableaux et dessins recherchés, pour se donner plus de chances d'attirer l'œil d'éventuels propriétaires ou connaisseurs.
La conservatrice et commissaire de la future exposition dédiée à Dix, Frédérique Goerig-Hergott, avait de bonnes raisons de penser que les sept œuvres se trouvaient dans la région, puisque le peintre a passé une petite année à Colmar, d'avril 1945 à février 1946, au camp de prisonniers du quartier de Logelbach.
Peintre reconnu en Allemagne, il avait bénéficié d'un statut privilégié et noué des liens avec des Colmariens et d'autres prisonniers du camp, à qui il avait donné des tableaux.
Le 7 avril, le magazine Télérama avait consacré, sur son site, un long article à cet « avis de recherche tout de même peu banal, dans le monde culturel français », mais courante en Allemagne, où des dizaines de milliers d'œuvres ont été déplacées, détruites ou spoliées sous le régime nazi.

En passant par la Lorraine

La publication de cet appel à la population dans L'Alsace a, elle, eu un impact immédiat. Frédérique Goerig-Gerrgott n'en a en pas cru ses oreilles quand, le jour même de la parution de l'article, dans l'après-midi, elle a eu un appel téléphonique d'une dame domiciliée en Lorraine avec son mari. Elle lui expliquait qu'un membre de sa famille, installé non loin de Strasbourg, avait vu l'article et reconnu un tableau, Orage au Mont des Géants ; il l'avait immédiatement contactée.
Un véritable coup de chance, selon la conservatrice. « Sans cette parution dans les pages région de L'Alsace, ce Haut-Rhinois n'aurait jamais pu faire le lien ! »
L'histoire du tableau est en tout cas à son image : tourmentée et chaotique. Le couple lorrain a confié à la conservatrice d'Unterlinden que plusieurs membres de leur famille avaient été propriétaires de l'œuvre pendant plus de quarante ans.
C'est en 1963 que le premier d'entre eux, un chef d'entreprise vivant à Cologne, se voit offrir la toile par son entreprise. En 1994, cet héritage de taille se retrouve balloté entre Sarreguemines (Lorraine) et Sarrebrück (Allemagne) pendant dix ans. À la fin de cette décennie, il est finalement mis en dépôt au Saarland Museum, où il a été présenté au public jusqu'en 2004, toujours estampillé « collection privée ». Ce n'est qu'en 2004 que la famille des Lorrains l'a vendu à la galerie Fischer à Berlin.
Un flou persiste sur le déroulé exact de la suite des ventes et acquisitions mais, par chance, le couple lorrain connaissait également le nom de l'actuel propriétaire du Dix, la Fondation privée Sander à Darmstadt, en Allemagne.

À Colmar en octobre ?

Ces informations recueillies, Frédérique Goerig-Hergott a immédiatement contacté la Fondation Sander. « Nous leur avons formulé notre demande officielle de prêt. Ils nous ont déjà confirmé que L'Orage était disponible aux dates de notre exposition, du 8 octobre au 30 janvier 2017, mais nous attendons désormais qu'ils statuent sur notre demande. Ils savent que nous sommes assez pressés... » Il faut dire que les plaquettes de la future exposition sont en train d'être bouclées...

Annick Woehl et Clémence Lesacq , L’ALSACE du samedi 16 avril 2016


Musée Unterlinden - Exposition Otto Dix en octobre : Dix de perdus, un de retrouvé

Pour monter la prochaine exposition du musée Unterlinden, consacrée à Otto Dix et prévue en octobre, la conservatrice Frédérique Goerig-Hergott avait lancé un avis de recherche pour sept œuvres du peintre allemand. L'une d'elle a été retrouvée.

Otto Dix

La conservatrice en chef Frédérique Goerig-Hergott recherche toujours six œuvres d'Otto Dix, dont La Sorcière (Die Hexe) portrait peint en 1932, qui présente de sérieuses similitudes avec la Marie-Madeleine de Grünewald (couleur et travail du drapé, chevelure, pieds torturés, visage inquiétant)

« Monter une exposition, c'est mener une enquête », observe Frédérique Goerig-Hergott, conservatrice en chef des collections d'art moderne et contemporain au musée Unterlinden.
Elle a commencé, en janvier 2015, à rechercher les œuvres d'Otto Dix (1891-1969) qu'elle souhaite montrer lors de la première exposition monographique proposée par le Nouvel Unterlinden, du 8 octobre 2016 au 30 janvier 2017, consacrée au peintre allemand dans son rapport avec le retable d'Issenheim.
« Dix est l'artiste du XXe siècle qui a été le plus influencé par Grünewald. Dans chaque période de sa carrière, on retrouve des références au retable. Il fait parfaitement le lien entre art ancien et moderne », souligne la conservatrice.
Par ailleurs, Dix a passé plusieurs mois dans un camp de guerre du quartier du Logelbach à Colmar en 1945-46. Le peintre allemand s'imposait donc pour cette première exposition du nouveau musée, d'autant qu'il est peu connu et a été peu exposé en France.
La conservatrice a recensé 127 œuvres répondant à son sujet. Elle en a trouvé 120, prêtées par 27 institutions du monde entier (musées, fondations, églises etc) et quelques collectionneurs privés.
Mais sept d'entre elles restaient introuvables, intraçables. « Elles sont importantes pour le propos de l'exposition, qui casse l'image d'Otto Dix, trop souvent associé au courant de la Nouvelle Objectivité », souligne la conservatrice.
Après avoir épuisé tous les recours habituels (musées, réseaux de collectionneurs, sites de vente aux enchères), Frédérique Goerig s'est résolue à lancer un avis de recherche dans la presse et sur les réseaux sociaux. Un moyen peu (voire jamais) employé en France mais assez courant en Allemagne. C'est ainsi qu'elle a retrouvé la trace de l'une des sept œuvres disparues : L'orage aux monts des Géants, peint en 1942.
« J'ai été contactée par une personne de la région de Sarreguemines. Elle m'a dit que le tableau avait été offert à l'un de ses aïeuls par son entreprise à Cologne en 1963. À sa mort en 1994, le tableau est tombé dans la succession de sa famille vivant entre Sarreguemines et Sarrebruck. Vendu en 2004 à une galerie de Berlin, il est aujourd'hui propriété d'une fondation privée de Darmstadt », raconte-t-elle.
Le tableau serait disponible aux dates de l'exposition, mais le long processus de prêt ne fait que commencer.
Reste encore six œuvres à trouver dont La sorcière, tableau peint en 1932, « qui fait référence à la Marie-Madeleine de Grünewald : même chromatisme, similitudes dans le drapé, la chevelure, le visage inquiétant, les pieds torturés et superposés ».

Otto Dix signait avec un monogramme

Frédérique Goerig aimerait aussi ardemment retrouver un Ecce Homo de 1948 : un personnage pointe son doigt sur un corps crucifié de la même manière que dans le panneau de la crucifixion de Grünewald. « C'est une allégorie pour dénoncer la Shoah. »
Dans Versuchung des heiligen Antonius (1937), il a représenté des monstres, proches de ceux de Grünewald. « Otto Dix s'identifiait beaucoup à saint Antoine, un ermite, comme lui » relève la conservatrice.
Considéré comme un artiste dégénéré par les nazis, Otto Dix s'était exilé au bord du lac de Constance dès 1933. S'il a continué à dénoncer la montée du nazisme, il l'a fait de manière moins directe.
La conservatrice garde peu d'espoir de trouver la totalité des six œuvres, d'autant qu'Otto Dix signait avec un monogramme pas toujours identifiable. « Mais je n'aurai pas de regrets, j'aurai tout fait pour les retrouver. »

Les six œuvres recherchées : La sorcière, 1932. Tentation de saint Antoine (sans tête de Christ), 1937. Nativité/Adoration sous la neige, 1943. Le camp de prisonniers à Colmar, 1945, (dessin sur papier). Nativité, 1945, huile sur panneau. Ecce Homo I (Matth. 27,25), 1948, huile sur toile marouflée sur panneau 100 x 80 cm.

Source : Valérie Freund, DNA du mardi 26 avril 2016


Le retour de la Madone à Colmar

L’exposition très attendue du musée Unterlinden sur Otto Dix et le retable d’Issenheim démarrera le 8 octobre. 110 œuvres y seront présentées dont la « Madone aux barbelés » que le peintre allemand réalisa en 1945 à Colmar alors qu'il était prisonnier de guerre dans le camp de Logelbach. Un émouvant retour aux sources pour le triptyque.

La Madone aux barbelés avec saint Paul à gauche et saint Pierre à droite, et Carole Juillet, la restauratrice (photo Hervé Kielwasser)

Il est là, posé au sol dans la nef du nouveau musée Unterlinden, confié aux bons soins de la restauratrice Carole Juillet, de retour dans la ville qui l'a vu naître. Et c'est très émouvant. La Madone aux barbelés a fait le voyage de Berlin à Colmar pour pouvoir être présenté dans le cadre de l'exposition que le musée consacrera, à partir du 8 octobre à Otto Dix et ses liens artistiques avec le retable d'Issenheim. 

Un an de négociation

La commissaire de l'exposition, Frédérique Goerig-Hergott, a dû ferrailler pour obtenir ce prêt. La Madone aux barbelés a été achetée en 1987 dans une vente aux enchères à Cologne par le sénat de Berlin qui l'a déposée à l'église berlinoise Maria Frieden un an après. Elle n'a plus bougé depuis. Les négociations avec l'archevêché et le sénat ont duré un an. « Au début c'était non. On nous a expliqué que le triptyque était fragile, qu'il était présenté derrière une vitrine sécurisée ou encore que c'était une oeuvre de dévotion, tous les jeudis une cérémonie est célébrée devant le triptyque devant lequel sont déposées des fleurs », raconte Frédérique Goerig-Hergott qui a fait trois allers retours à Berlin. La conservatrice a su convaincre ses interlocuteurs de l'importance pour Colmar de retrouver cette oeuvre. Et a proposé de restaurer l'oeuvre aux frais du musée colmarien. L'occasion pour l'église de changer de vitrine pour le triptyque.
Bref, la Madone a fini par arriver, il y a une semaine. Elle est restée en caisse jusqu'à hier pour prendre la température ambiante, avant d'être confié à la restauratrice (voir encadré).

Une commande pour la chapelle catholique

Cette oeuvre a bien sûr une histoire. En 1945, le soldat allemand Otto Dix est fait prisonnier et envoyé au camp de Logelbach. Le commandant du site, qui l'avait reconnu, lui avait passé commande d'une oeuvre pour la chapelle catholique du camp. Le peintre s'y est attelé à partir de juin à l'atelier de Robert Gall, 12 rue Charles-Grad. Il a intégré une Vierge à l'enfant inspiré de Schongauer et de Grünewald et les a « placés dans le contexte contemporain avec les barbelés du camp, l'église du Logelbach et sa flèche blanche, les ruines et les Vosges », détaille la conservatrice.
À gauche et à droite, il a représenté la libération miraculeuse de saint Paul et de saint Pierre. « C'était un message d'espoir pour les prisonniers », souligne Frédérique Goerig-Hergott. Dans une foule au pied de saint Paul, Dix s'est représenté aux côtés de trois autres artistes prisonniers. Pour la petite histoire c'est le dernier triptyque que signera Otto Dix.

Le commandant du camp garde l'oeuvre

Problème, il semble que le commandant du camp ait finalement gardé l'oeuvre pour lui... Dans des courriers, on comprend qu'Aloyse Ruff lui demande de faire une autre œuvre pour la chapelle, on devine aussi la colère de Dix... Le peintre s'est néanmoins exécuté, mais avec beaucoup moins d'ardeur. Cela donne une Madone à l'enfant beaucoup plus simple que la première ; œuvre qui sera exposée dans la chapelle comme le prouvent notamment une photographie et une linogravure.
Le curé catholique allemand de la chapelle a emporté ce tableau quand il est retourné en Allemagne. Il est aujourd'hui accroché à Beuron, dans l'abbaye de saint Martin.
Rappelons enfin que le musée Unterlinden a acheté en 1991 le carton préparatoire de la Madone aux barbelés, déjà présenté au public qui pourra le revoir à partir du 8 octobre.

Dépoussiérage du triptyque

« Je décrasse... », commente la restauratrice Carole Juillet en train de passer du coton sur les chaînes de saint Pierre. Son intervention sur la Madone aux barbelés sera modeste : du dépoussiérage et quelques petites retouches, principalement sur le cadre. Cette tache devrait lui prendre trois à quatre jours.

Source : texte Annick Woehl, photos Hervé Kielwasser, L'Alsace du vendredi 30 septembre 2016


Colmar - Nouvelle exposition au musée Unterlinden : Otto Dix passe au retable

Le Nouvel Unterlinden présente, à partir de samedi, sa première exposition d'art contemporain sur Otto Dix et le retable d'Issenheim, labellisée d'intérêt national. Aucun autre artiste du XXe siècle ne s'est référé au chef-d’œuvre de Grünewald de manière aussi constante.

« Il n'y a pas de meilleur sujet qu'Otto Dix pour cette première exposition au musée Unterlinden », assure Frédérique Goerig-Hergott, conservatrice en chef des collections d'art moderne et commissaire de l'exposition.
Si le retable d'Issenheim, redécouvert par les Allemands après l'annexion de l'Alsace en 1870, a inspiré de nombreux artistes outre-Rhin (notamment Ernst, Wollheim, Beckmann présentés dans l'exposition), Otto Dix a été le plus marqué de son empreinte. Dans son œuvre, les références à Grünewald se retrouvent dans la technique, l'iconographie, la stylisation, l'exagération des traits et la violence.

« Avec l'œuvre Tranchées, on a comparé, pour la première fois, Otto Dix à Grünewald »

Frédérique Goerig a choisi une centaine d'œuvres d'Otto Dix (peintures, dessins, gravures) qu'elle met en parallèle avec des détails du retable, pour illustrer son propos.
La commissaire a voulu éviter l'écueil de réduire l'artiste allemand à ses œuvres sur la guerre et à celles de la Nouvelle Objectivité, pour lesquelles il est le plus connu. Mais elle n'a pu éviter d'en présenter. Ainsi quelques portraits expressionnistes trouvent-ils leur place sur les cimaises, notamment celui de la journaliste allemande Sylvia von Harden, prêté par le Centre Pompidou. « C'est le premier tableau d'Otto Dix, acheté par un musée français en 1961. »
La guerre tient forcément une grande place dans l'exposition. Otto Dix (1891-1969), engagé volontaire pour le front en 1915, a été très marqué par la Première Guerre mondiale. Un thème qui lui a permis de représenter la violence, le chaos des tranchées, les corps blessés et la mort, toujours contrebalancée par la résurrection.
L'exposition présente une reproduction en noir et blanc de Tranchée s aujourd'hui disparue. L'oeuvre a été très décriée lors de son accrochage à Düsseldorf en 1924, tant la violence qui s'en dégage est extrême. « C'est la première fois qu'on a comparé Otto Dix à Grünewald. »
Le Triptyque de la guerre (1929-32), trop fragile pour quitter le musée de Dresde, a lui aussi été reproduit pour l'exposition. Dans la forme et la technique (peint sur bois), il fait directement référence au retable d'Issenheim. Il représente la journée d'un soldat au front, avec sur le panneau central un crucifié à l'envers.
Prêt exceptionnel du musée de la Nationalgalerie de Berlin, Flandres (1934-36) est sa dernière évocation de la Grande Guerre, alors qu'il vient d'être destitué de son poste à l'Académie des Beaux-Arts de Dresde par les nazis. Il s'inspire du dernier chapitre du livre Le feu d'Henri Barbusse, prix Goncourt 1916. Là encore, les emprunts à Grünewald sautent aux yeux : le traitement du ciel, la figure du soldat qui évoque le Christ, l'opposition entre obscurité et lumière (mort et résurrection). « Otto Dix n'a jamais été militant pacifiste. Il voulait juste montrer la réalité. »
La guerre, Otto Dix y reviendra après 1945 avec ses œuvres dénonçant la Shoah et la barbarie nazie.
Entre 1933 et 1944, exilé au bord du lac de Constance alors qu'il avait perdu son travail, son statut d'artiste, sa visibilité, Otto Dix s'est mis à peindre des paysages, des scènes bibliques, des figures mariales. Les références au retable d'Issenheim sont toujours aussi présentes : dans les paysages morts, étouffés par le lichen, l'exagération des doigts, les visages effrayés, les monstres, la lumière.
Très connu en Allemagne, surtout pour ses œuvres d'avant 1933, Otto Dix est encore largement méconnu en France.

Du 8 octobre au 30 janvier au musée Unterlinden à Colmar. Entrée : 13 EUR. Fermé le mardi.

Source : Valérie Freund, DNA du jeudi 6 octobre 2016


Une œuvre dans l'exposition : La Madone aux barbelés, un tableau colmarien

Le triptyque La Madone aux barbelés a été peint par Otto Dix en 1945 à Colmar. Frédérique Goerig-Hergott, commissaire de l'exposition, s'est beaucoup battue pour présenter cette œuvre devenue objet de dévotion dans une église berlinoise.

La Madone aux barbelés a quitté son église berlinoise, le temps de l'exposition.

Parmi les œuvres que Frédérique Goerig-Hergott voulait absolument présenter dans l'exposition, la Madone aux barbelés figure en tête de liste. Car les liens de l'œuvre avec Colmar vont bien au-delà de ses références au retable d'Issenheim.
Otto Dix a peint ce tableau en 1945 dans l'atelier du peintre colmarien Robert Gall alors qu'il était prisonnier au camp de guerre de Colmar-Logelbach où il a passé dix mois. Il l'a réalisé à la demande de l'administration militaire pour décorer la chapelle catholique du camp.
Dans le panneau central, le peintre allemand a interprété le thème de la Vierge à l'Enfant, cher aux maîtres anciens, en le transposant dans le contexte du camp de prisonniers. En arrière-plan, on aperçoit le clocher de l'église de Logelbach, les collines vosgiennes, mais aussi des barbelés sur fond de bâtiments en ruine.

Le musée Unterlinden a acquis l'esquisse préparatoire en 1991

Sur les volets latéraux, les épisodes de la libération de saint Paul et de saint Pierre, encore partiellement enchaînés, font écho aux panneaux de saint Sébastien et saint Antoine du retable d'Issenheim, et entretiennent l'espoir de libération prochaine des prisonniers du camp.
Le tableau n'a jamais été exposé dans la chapelle, car le camp a été détruit avant qu'il ne fût terminé.
On perd sa trace jusqu'en 1987, quand il a été racheté par le Sénat allemand et déposé en 1988 dans l'église catholique Maria Frieden, dans le quartier Mariendorf de Berlin. Symbolisant l'espoir de libération du joug soviétique qui s'est réalisée l'année suivante, l'œuvre est devenue un objet de dévotion pour les Berlinois. Elle fait l'objet d'un pèlerinage un jeudi par mois. D'où la réticence des Allemands à la laisser partir à Colmar.
Frédérique Goerig a dû faire trois allers-retours à Berlin pour convaincre l'archevêché et le Sénat allemand de l'intérêt de présenter cette œuvre à Colmar.
D'autant que le musée Unterlinden a acquis en 1991 l'esquisse préparatoire du triptyque qu'Otto Dix avait emportée chez lui en Allemagne à sa libération en 1946. Plus tard, son épouse Martha Dix l'avait offerte à Robert Gall en reconnaissance de son soutien. L'esquisse et l'œuvre sont réunies pour la première fois.
La Madone aux barbelés est l'ultime triptyque d'Otto Dix et le seul qu'il ait réalisé pour un lieu de culte. L'artiste a réalisé d'autres œuvres durant son séjour forcé à Colmar.
Dans un courrier envoyé de Colmar à son épouse Martha en 1945, il indique clairement, pour la première fois, avoir vu le retable d'Issenheim à deux reprises.

 Source : V.F., DNA du jeudi 6 octobre 2016


Musée Unterlinden - Otto Dix, un peintre sous influence

Le musée Unterlinden de Colmar a inauguré le 7 octobre une exposition consacrée à l’influence de Mathias Grünewald sur Otto Dix. Les 110 œuvres présentées évoquent ce lien et illustrent le parcours de ce peintre allemand : sa gloire dans les années 1920, son traumatisme de soldat, sa mise au ban par les nazis en 1933, puis par le monde artistique emporté par l’arrivée de l’abstraction.

« La vérité est laide : nous avons l'art afin que la vérité ne nous tue pas », écrivait Nietzsche. Otto Dix, peintre allemand nietzschéen, a mis toute sa puissance créatrice pour décrire, avec une réalité dénuée de toute concession, l'horreur de la guerre, la déliquescence de la société allemande ou la personnalité des personnages dont il faisait le portrait. Comme quelque 400 ans avant, Mathias Grünewald avait mis toute sa puissance à peindre la violence extrême de la crucifixion.
Beaucoup d'artistes ont été marqués par le travail de Grünewald, et notamment son retable d'Issenheim. Mais parmi eux, un seul, Otto Dix, l'a été toute sa vie, que ce soit dans l'iconographie, la technique ou le réalisme exacerbé. « Impossible d'y échapper », écrivait même le peintre en 1946. L'exposition présentée au public à partir de demain au musée Unterlinden à Colmar le démontre. Comme elle cherche à souligner la qualité de l'œuvre entière de Dix au-delà de ce qui fait sa notoriété : son travail sur la guerre et sa période dans la Nouvelle objectivité.

« Banni du paysage »

La conservatrice Frédérique Goerig-Hergott a sélectionné quelque 110 œuvres, dont une centaine d'Otto Dix, pour illustrer son propos. Jean-Claude Goepp, pour la muséographie, a eu l'idée d'un cube central, avec la reproduction des panneaux du retable d'Issenheim, afin d'aider les visiteurs à constater les correspondances entre les deux artistes.
La présentation de l'exposition est chronologique, avec quelques focus sur certaines thématiques, comme l'importance du retable chez les artistes allemands au début du XXe siècle, avec des œuvres de Max Ernst, Wollheim ou Beckmann. Un autre espace met l'accent sur la période colmarienne de Dix, avec la fameuse Madone aux barbelés que le commandant du camp de prisonniers où il était interné lui avait commandé pour la chapelle catholique.
Les traces de l'influence de Grünewald sont partout dans l'œuvre de Dix : la reprise de personnage, de position ou de traitement de la peau, les doigts tendus, crispés, l'utilisation parfois presque psychédélique de la couleur, etc. Cette marque se décèle aussi beaucoup plus tard, comme dans ses paysages auxquels il est confiné avec les scènes bibliques, du fait de la censure nazie. La commissaire pointe le traitement de la végétation, « étouffée par le lierre, le lichen, comme chez Grünewald dans L'Agression de saint Antoine. Dix exprime ainsi son enfermement, sa douleur d'avoir été banni du paysage. »
Il faut aussi parler de la technique, car Otto Dix a longtemps travaillé comme les maîtres anciens, leur empruntant le processus très laborieux de la tempera. Il réalisait aussi toujours un « carton » avant de passer à la peinture, comme pour Les Sept péchés capitaux, tableau présenté dans l'exposition.

De l'aube à l'aube

La ou plutôt les guerres mondiales ont fortement marqué l'artiste. Il a fait les deux, il en a été profondément marqué sans devenir, comme certains l'ont prétendu, un pacifiste. Dix n'avait qu'un combat : décrire ce qu'il a vu dans sa plus (im)parfaite réalité. Cela donna les 50 gravures de guerre (l'exposition colmarienne en présente huit), mais aussi le célébrissime triptyque de La Guerre, dont Unterlinden propose une rétroprojection, puisque l'oeuvre ne quitte jamais le musée de Dresde. Dans ces visions picturales du front, les soldats empruntent souvent « la figure de l'homme sacrifié », en référence au sacrifice du Christ crucifié, souligne encore la conservatrice. La représentation de la guerre est, encore aujourd'hui, le volet de son travail qui remporte le plus de succès. Il faut dire qu'il est rare qu'un artiste ait atteint ce degré de réalisme, de dramatisation. Sauf peut-être Mathias Grüne-wald, dont Huysmans disait qu'il était « le plus forcené des réalistes » et « le plus forcené des idéalistes ». Pour exemple, on peut citer une œuvre de 1948 où Dix se représente prisonnier, pointant du doigt un homme assis dans un champ de ruine, pantalon baissé, sexe exhibé : « C'est le roi des Juifs. En 1948, on sait tout de la Shoah. Dix associe aux victimes de la guerre le peuple juif », explique Frédérique Goerig.
Le clou de l'exposition est sans doute Flandres, œuvre de 1936, que Dix sous-titra Hommage à Henri Barbusse, l'auteur du Feu, décédé un an avant. En écho au dernier chapitre de ce livre, le peintre représente un paysage ravagé à l'aube. On imagine un lendemain de bataille, avec ses cadavres flottant dans l'eau qui envahit le front, ses bras arrachés, la nature dévastée. Quelques survivants ouvrent sur le monde en feu des yeux égarés, vides. « Le personnage principal, au centre, s'appuie sur un tronc sectionné, sur lequel se trouvent un barbelé, enroulé comme une couronne d'épines, et un tissu déchiré, comme le perizonium du Christ. On a à nouveau cette image du soldat sacrifié. Otto Dix, c'est toujours la mort et la résurrection, la vie. Là il y a l'espoir d'un recommencement. »

Y ALLER Musée Unterlinden à Colmar,du 8 octobre au 30 janvier de 10h à 18h (le jeudi jusqu'à 20h), fermé le mardi. Tarif : 13 EUR, moins de 12 ans gratuit. Un catalogue accompagne l'exposition (35 EUR).

Pourquoi ce thème ?

Pourquoi ce thème d'exposition pour la première proposition « maison » du musée Unterlinden en art moderne ? Les raisons sont nombreuses. D'abord, il y a le retable de Grünewald, oeuvre maîtresse du musée. Ensuite il y a Otto Dix, le peintre le plus marqué par le maître ; celui aussi qui passa dix mois de sa vie à Colmar comme prisonnier de guerre en 1945.
Par ailleurs le musée Unterlinden est le musée français le plus pourvu en œuvres d'Otto Dix (il en possède huit). Cela s'explique notamment par le désintérêt des Français pour l'art allemand dans la première moitié du XXe siècle pour les raisons historiques qu'on devine (même si l'inverse est moins vrai). Il faudra attendre 1961 pour qu'une institution française, le Musée national d'art moderne, achète une œuvre de Dix, en l'occurrence le portrait de Sylvia von Harden (présenté à Colmar). Frédérique Goerig précise que Dix n'a jamais non plus essayé de promouvoir sa peinture en France comme un Beckmann ou un Baumeister.
Enfin, il y a les fameux anniversaires : le 500e du retable d'Issenheim réalisé entre 1512 et 1516, les 125 ans de la mort de Dix ou enfin les 70 ans de son retour en Allemagne après son incarcération à Colmar.

Le parcours d'un fils d'ouvrier

Otto Dix est né en 1891 à Gera, en Allemagne. Issu du monde ouvrier, il a fait des études d'art grâce à une bourse à Dresde, où naît le mouvement expressionniste. Très vite, le peintre se fait un nom en Allemagne, mais aussi à l'étranger, notamment aux États-Unis. « Il est considéré comme le plus grand portraitiste de son temps », souligne Frédérique Goerig-Hergott. Il fait la Première Guerre mondiale et s'installe ensuite à Düsseldorf, puis obtient une chaire de professeur à Dresde en 1927. Sa brillante carrière s'arrête net en 1933 quand il est destitué de sa chaire, puis désigné artiste « dégénéré » par les nazis. Otto Dix fait le choix de rester en Allemagne. Il s'installe près du lac de Constance, non loin de la Suisse, peut être pour pouvoir fuir en vitesse au cas où.
À plus de 50 ans, il est enrôlé dans l'armée allemande et envoyé au front durant la Deuxième guerre mondiale. C'est là qu'il est fait prisonnier au camp de Colmar-Logelbach. Quand il revient, il tente sans succès de récupérer son poste de professeur.
En tant que peintre, il est confronté à l'arrivée des avant-gardes, de l'abstraction. Son travail n'est plus à la mode et il ne retrouvera plus jamais la célébrité de ses débuts. Un désintérêt dont il a beaucoup souffert. Sa gloire passée lui permet néanmoins de participer à des expositions et d'avoir des commandes. Il meurt en 1969, à l'âge de 78 ans. Il était marié avec Martha, avec laquelle il a eu trois enfants, et avait une double vie dont est issue une fille.

Prisonnier à Colmar

Otto Dix, engagé pendant les deux guerres, a été fait prisonnier au printemps 1945 et conduit au camp de Colmar-Logel-bach. Il avait alors 54 ans et a très mal vécu à la fois le front et les rigueurs de l'internement qui dura dix mois - même si, reconnu par le commandant du camp, il bénéficia d'un régime de faveur. Au lieu d'être contraint à des travaux d'intérêt général, il put peindre, principalement dans l'atelier de l'artiste colmarien Robert Gall, mais aussi dans un atelier du camp. Frédérique Goerig a recensé 75 œuvres, dont 25 peintures, conçues à Colmar.

Courants

Otto Dix a débuté sa trajectoire artistique comme expressionniste. Il a eu ensuite une courte période Dada, avant de rejoindra la Nouvelle objectivité, qui voulait montrer la réalité, souvent pour une critique sociale - Dix faisait partie du courant « vériste » de ce mouvement, c'est-à-dire positionné politiquement à gauche, précise Frédérique Goerig.

Et deux de retrouvés !

La commissaire de l'exposition recherchait dix œuvres d'Otto Dix pour monter son exposition. Grâce à un article paru dans L'Alsace, elle en a retrouvé deux : L'Orage, qui est présenté, et La Sorcière, que le propriétaire n'a pas voulu prêter.

Source : Annick Woehl, L'ALSACE du vendredi 7 octobre 2016 


A Colmar, le dialogue d'Otto Dix et du retable d'Issenheim, par-delà les siècles

Quatre siècles les séparent et pourtant, ils entretiennent un dialogue permanent: le musée Unterlinden de Colmar propose une ambitieuse exposition sur le peintre expressionniste allemand Otto Dix et l'inspiration qu'il a puisée dans le retable d'Issenheim, chef-d'œuvre du gothique tardif.

Masques à gaz et corps mutilés: en France, Otto Dix est surtout connu pour ses tableaux décrivant les horreurs de la Première Guerre mondiale et pour avoir été classé par les nazis parmi les "artistes dégénérés". L'exposition proposée à Colmar jusqu'à fin janvier, labellisée "d'intérêt national" et riche d'une centaine d'œuvres, révèle que son travail compte bien d'autres facettes.
Profondément imprégné d'iconographie religieuse, Otto Dix était particulièrement marqué par celle du retable d'Issenheim -pièce maîtresse du musée Unterlinden-, au point d'être surnommé par ses contemporains "le nouveau Grünewald", du nom de l'auteur du retable.
Peints en Alsace entre 1512 et 1516, les neuf panneaux en bois de ce retable représentent, avec un mélange de grâce et de violence extrême, de foisonnement de l'imaginaire et de réalisme cru, des épisodes de la vie du Christ et de Saint-Antoine.
Après l'annexion de l'Alsace par l'empire allemand en 1871, le retable connut une grande notoriété outre-Rhin, où il fut présenté à la fois comme une forme d'apogée de l'art allemand et un précurseur du courant expressionniste.
Le retable a inspiré de nombreux artistes, comme Emil Nolde et Pablo Picasso, mais chez Otto Dix, "l'influence de Grünewald est présente de façon permanente, de sa période expressionniste à sa mort en 1969: c'est le seul artiste du XXe siècle qui ait cité le retable tout au long de sa carrière", explique la commissaire de l'exposition, Frédérique Goerig-Hergott.

Prisonnier à Colmar

Au cœur de l'exposition, un cube reproduit les différents volets du retable en mettant en exergue, en couleurs, les motifs le plus souvent déclinés par Otto Dix. Le visiteur peut ainsi embrasser, en un regard, les tableaux d'Otto Dix et leur source d'inspiration.
Le peintre emprunta à la fois des thèmes, postures et techniques picturales à son illustre prédécesseur.
Dans l'Annonciation de Matthias Grünewald, la Vierge Marie est blonde et vêtue d'une longue robe sombre, dans celle d'Otto Dix, peinte en 1950, elle est brune et porte une courte robe à bretelles et de gros godillots, mais dans les deux cas, elle se recule, les yeux mi-clos, l'air effarouché, tandis que l'ange Gabriel la pointe du doigt.
Chacun des deux artistes touche à l'universel tout en plaçant la scène dans sa propre époque. Malgré les différences de style, le parallèle est frappant.
Il ne l'est pas moins entre la crucifixion de Grünewald, où le Christ apparaît les lèvres bleutées et le corps couvert de plaies, et les Christ d'Otto Dix, auxquels les barbelés des camps de prisonniers servent de couronnes d'épines.
Chez Dix, le Christ prête son visage à tous les hommes humiliés. Enrôlé dans l'armée allemande en 1945, le peintre a lui-même été fait prisonnier et incarcéré... à Colmar. Un épisode traumatisant mais qui lui permit de voir le retable d'Issenheim de ses yeux. Il le qualifia alors d'"oeuvre impressionnante, d'une témérité et d'une liberté inouïes".
Les références au retable foisonnaient déjà dans les œuvres, très peu connues, peintes après sa destitution par les nazis du poste de professeur à l'Académie des Beaux-Arts de Dresde, en 1933. Réfugié près du lac de Constance, Dix peignait alors des paysages et sujets bibliques pour ne pas être accusé de faire de la politique.
Dans ces tableaux à la forte charge symbolique, il s'identifiait parfois à Saint-Antoine, alors qu'il était contraint à la condition d'ermite, loin des grandes villes qu'il affectionnait.
Si l'exposition ne présente qu'une reproduction du "Triptyque de la guerre", l'oeuvre monumentale de Dix qui fait le plus explicitement référence au retable, elle inclut de nombreux autres tableaux, encres et gravures qui dépeignent le chaos de la guerre.
Une concentration d'œuvres rare, alors qu'Otto Dix est très peu représenté dans les musées français.

"Otto Dix - Le retable d'Issenheim", jusqu'au 30 janvier 2017.

Source : AFP - 15.10.2016


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