René Maurer (photo Guy Frank, 6 mars 2003)
Début 1945, j'avais 15 ans. J'étais apprenti (Maschinenschlosserlehrling, Rüstungsgehilfe) dans l‘usine Schiele Industriewerke de Wintzenheim (lire le chapitre consacré à cette usine dans "Le Bierkeller de Wintzenheim", Guy Frank, 2003). Le 2 février, vers 14 heures, je me trouvais à la boulangerie Heimann, rue Clemenceau, en-dessous de l'épicerie Gilg. Nous étions une vingtaine à faire la queue. Un gars est venu nous dire : "Tout le monde rentre à la maison, ça devient dangereux, les chars arrivent !". Les chars sont arrivés par la route de Colmar, d'autres par Logelbach, coupant à travers les vignes, j'ai vu leurs chenilles pleines de fils de fer. A la maison située à l'angle de la rue du Logelbach et de l'actuelle rue de Lattre, un volet battait au vent. Un char l'a vu bouger, et l'a démoli par un tir bien centré.
Dans la soirée, les soldats français et américains sont passés dans les maisons, pour vérifier qu'il ne reste pas d'Allemands. J'étais chez notre voisin Ernest Schmitt, dans la rue Serpentine. Ernest a offert un verre de vin à un militaire, en lui disant, dans un français approximatif : "Il n'y a pas d'Allemand chez nous, mais il reste un peu de vin dans mon tonneau, buvons un coup". Le militaire lève son verre et dit avec un sourire : "Dà Wi beckelt !" (ce vin est oxydé). C'était un Alsacien engagé dans la 1ère Armée Française !
Les Américains étaient très généreux envers la population. Ils nous distribuaient des boites de rations militaires, du chewing-gum, des cigarettes...
Source : témoignage de René Maurer recueilli par Guy Frank le 4 avril 2004
Jean-Paul
Dussel (photo Guy Frank, 29 mai 2004)
Le matin du 2 février, il y avait encore 30 centimètres de neige, puis il a fait très beau. A 11 heures, la cuisine roulante allemande fonctionnait encore dans une cour de la rue Aloyse Meyer, près de chez nous. Après midi, ils ont remballé leur matériel et vers 13 heures, ils avaient disparu. Vers 15 heures j'ai vu des chars arrêtés par le barrage antichars à l'entrée de la rue du Logelbach,. Le premier soldat que j'ai aperçu était un noir. Comme il entendait parler en alsacien, il se croyait déjà en Allemagne. Le même soir, les jeunes de Wintzenheim sont allés dévaliser les réserves de nourriture que les Allemands avaient laissées à l'usine Schiele...
Source : Jean-Paul Dussel, 7 avril 2004
Marie-Thérèse Pilotelle (photo Guy Frank, 17 novembre 2001)
Nous étions une quarantaine de personnes abritées dans la cave de la maison Ebstein (Caveau Schwendi). Dans la cour stationnait un groupe de trois soldats allemands qui avaient disposé plusieurs perches reliées à leurs appareils de transmissions. Grâce à eux, nous étions les premiers informés de ce qui se passait aux alentours de Wintzenheim.
Le 2 février, ils ont réquisitionné une voiture et sont partis avec leur matériel. Mais pas pour bien longtemps. Une heure plus tard, ils étaient de retour, car ils ne pouvaient déjà plus aller au-delà de la Halte de Wettolsheim. Des résidents de notre cave leur ont dit : "C'est fini pour vous, donnez-nous vos armes !". Ils se sont rendus et nous les avons faits prisonniers, en attendant les libérateurs. Quand les chars français sont arrivés, nous leur avons signalé que trois Allemands les attendaient dans notre cave...
Source : Marie-Thérèse Pilotelle, Plauderstund ewer Wenzena, 27 mai 2004
Le 2 février, j'étais dans notre cave où dormaient plus de 30 personnes. Mon père, le Dr Paul Pflimlin, y recevait parfois des patients. Un officier allemand logeait également dans la maison. Vers 14 heures, il est descendu et nous a déclaré : "Wir mussen gehen, aber wir kommen wieder !" (nous devons partir, mais nous reviendrons !). Malgré la libération, nous étions tristes, car quinze jours auparavant, notre voisin Paul Riedinger avait succombé dans l'incendie de la rue de la Victoire.
Le soir, des Français sont venus à la maison. Ils se sont immédiatement rendus à la cuisine pour découper et faire cuire un sanglier qu'ils avaient apporté avec eux. Et ils ont fait des frites. Succulent repas qu'ils ont partagé avec nous !
Source : Colette Speich, Plauderstund ewer Wenzena, 27 mai 2004
Au moment de la Libération de Wintzenheim, j'habitais rue Kiener, rebaptisée par la suite avenue de Lattre de Tassigny. Quand nous avons entendu les chars, je suis monté dans la rue. Un Allemand est passé devant moi, à pied avec son fusil à l'épaule. Il m'a dit : "Ich bin krank". Il était mort de peur. Quelques minutes plus tard, arrive half-track français ou américain, bardé de bandes oranges fluorescentes bien visibles pour lui permettre d'être reconnu par les avions alliés. A ce moment, j'ai senti passer sous mon nez une odeur de cigarettes blondes : le parfum de la Libération...
Source : témoignage de Denis Haeffele, recueilli par Guy Frank le 17 mai 2004
Philippe
Krick (photo Guy Frank, 26 avril 2016)
Je suis né en 1942, et le 2 février 1945 j'avais deux ans et demi. J'habitais dans l'immeuble dit du Cheval Blanc, 9 rue Clemenceau. Le 2 février, à 16 heures, je me trouvais en culotte courte sur le trottoir. Je revois encore les auto-mitrailleuses qui stationnaient devant la maison René Birgy, prêtes à partir pour libérer Wettolsheim.
J'habite actuellement à Coteau-du-Lac au Québec. Il y a quelques années, à Ottawa, j'ai rencontré un Normand, et dans la conversation nous sommes arrivés à parler de Wintzenheim. Il me dit que son père a participé à la Libération de Colmar et de Wintzenheim, et m'a transmis une copie de la lettre envoyée de Colmar le 3 février 1945 par son père, Frédéric Thomas, 20 ans, dans laquelle celui-ci décrit la Libération de la capitale haut-rhinoise telle qu'il l'a vécue en tant que chauffeur du capitaine...
Source : témoignage de Philippe Krick recueilli par Guy Frank le 26 avril 2016
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