WINTZENHEIM 39-45

Anton Gerstner, soldat de la Wehrmacht


Anton GerstnerAnton Gerstner en mars 1944, au RAD à Budweis (Budejovice) en Tchéquie, Bohême du Sud

Le témoignage d'Anton Gerstner

Début septembre 1944, je n'ai pas encore 18 ans quand je suis enrôlé dans la Wehrmacht à Ludwigsburg, et formé durant plusieurs semaines comme téléphoniste dans l'artillerie. Autant que je me souvienne, au vu de la situation difficile au front, on constitue dans notre caserne de la mi à la fin novembre, une section d'observation (Alarmbatterie). Elle comporte une partie des camarades de notre compagnie, incluant également Fritz Boger, et d'anciens soldats qui ont déjà participé aux combats. C'est à cette occasion que je fais la connaissance de Fritz Rathfelder, avec lequel j'ai gardé depuis cette date d'amicales relations.

"Funker", photo extraite de l'affiche de propagande "Elsässer, meldet Euch !" (AMC OA - IIA8)

Le transport de la batterie se fait par train de Ludwigsburg jusqu'à Offenburg. Là, nous subissons une attaque aérienne de nuit, sans pertes pour nous. Notre artillerie est constituée de "Ratsch-Bum" de construction russe, et nos véhicules sont pour la plupart des "Holzvergaser", des camions gazogènes à bois. Après le déchargement de nos véhicules, armements et matériels, nous restons d'abord près de Heitersheim, sur le côté allemand du Rhin. La rive opposée du Rhin est déjà occupée par les troupes américaines et françaises. Peu de temps après, nous franchissons le Rhin à Breisach. Là seulement, nous commençons à entrevoir où nous serons engagés. La route nous mène en direction de Colmar et notre terminus provisoire est à Turckheim. Là, tout est calme pour le moment, et nous y passons notre premier Noël pas trop loin de chez nous. Nous avons même droit à une petite fête. Comme nous n'entendons le tonnerre des canons que de très loin, nous ne nous rendons pas bien compte du sérieux de la situation. Fritz Boger et moi sommes cantonnés dans une maison isolée en bordure de la localité en direction de Wintzenheim. Nos relations avec ses habitants sont bonnes. Fritz Rathfelder et Robert F. sont déjà en observation aux avant-postes et stationnés à Wintzenheim. Début janvier, je suis envoyé comme cordonnier à Wickerschwihr, pour y réparer les chaussures militaires dans un petit atelier avec un camarade plus ancien. Je loge dans la maison d'un couple âgé, qui m'accueille avec sympathie. Ils n'arrêtent pas de me plaindre d'avoir dû partir à la guerre si jeune. Je trouve cela exagéré, mais il est vrai que je n'ai pas encore vu la guerre de tout près. En tout cas, ces journées passées à Wickerschwihr sont les plus agréables de notre engagement. Mais on entend le front se rapprocher de plus en plus, et vers la fin du mois de janvier, je reçois l'ordre de rejoindre la troupe. Lors de mon départ, mes hôtes me serrent les mains avec émotion et me remettent un copieux casse-croûte. Je lis dans leur regard la peur du lendemain, pour eux-mêmes et pour le village. Pour moi, ces adieux sont difficiles aussi, pour les même raisons, et je les remercie pour leur hospitalité.

Je me retrouve maintenant à Holtzwihr. Notre rôle, dans les transmissions, consiste à maintenir en état de fonctionnement les lignes téléphoniques vers les différents postes de commandement et observatoires, et à en poser de nouvelles si nécessaire. C'est quelquefois très dangereux, car les carrefours sont sous le feu continu de l'ennemi, et les lignes sont continuellement dérangées. A partir de ce moment là, nous jeunes, trompés par une propagande allemande irresponsable, comprenons que l'heure a sonné. Nous n'avons presque plus de munitions pour nos canons, et contre un adversaire trop puissant seule la retraite est possible... et c'est ce qui arrive. L'attaque devient toujours plus agressive, et la riposte plus faible. Je me souviens seulement qu'à un endroit nommé "Maison Rouge" * se joue une phase définitive, mais je ne me souviens plus des détails. Nous nous replions précipitamment de l'autre côté du Rhin, près de Neuenburg. Nous sommes probablement le 6 février et nous nous réjouissons du temps maussade, car le pont est une cible privilégiée de l'aviation et de l'artillerie ennemies. Je n'ai jamais oublié l'images des victimes étendues de chaque côté du pont. Dieu soit loué, nous l'avons traversé sains et saufs sur notre camion. Mais tous nos camarades n'ont pas survécu à ces combats en Alsace, et nombreux sont ceux qui ont ont été blessés.

Ratsch-Bum : canon de fabrication russe ZIS-3 de 76,2 mm, appelé par les Allemands Feldkanone 7,62cm FK 288-r
(image reproduite à partir du site gunpoint-3d.com avec l'aimable autorisation de son designer Oleg Pomoshnikov)

Puis notre unité s'abrite quelques temps à Merdingen dans le Kaiserstuhl, dans des bunkers de la ligne Siegfried. Avec le transport par train vers Baden-Oos, nous arrivons alors, passant par Malsch (b. Karlsruhe), Pforzheim-Würm, vers la fin de ce terrible drame de la Seconde Guerre Mondiale. Nous sommes fait prisonniers le 29 avril près de Fürstenfeldbruck, au nord de Munich, peu de jours avant la capitulation finale.

Source : témoignage d'Anton Gerstner adressé à Odile Bouvier le 9 juillet 2004 (et traduit par Guy Frank)

* Le lieu-dit "Maison Rouge" était un point stratégique fortement défendu par les Allemands. A cet endroit se trouvait un pont sur l'Ill qui avait été détruit et remplacé par un pont provisoire construit par le génie US. C'est par ce point de passage que l'ensemble des unités franco-américaines ont déclenché l'offensive du 20 janvier 1945 en direction de Holtzwihr et de Jebsheim. (Source : Christian Burgert)


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