WINTZENHEIM 39-45

Logelbach : La chronique de guerre du curé Schickelé


Parmi les documents classés à la paroisse du Logelbach, se trouve un cahier format 24 x 19 ligné en bleu et relié d’une couverture cartonnée en papier chiné.

Ce cahier porte le titre « Acta Quoedam parochialia ». Il a été ouvert en 1893 par l’abbé Pierrot alors chapelain de la Chapelle Herzog et contient surtout des textes concernant la vie de la communauté qui formera plus tard le paroisse du Logelbach. La plupart des premiers textes sont des copies de correspondances avec l’évêché en latin. Un certain nombre de desservants ont ajouté des notes personnelles et c’est parmi ces dernières que se trouve un texte dont le titre est « Kriegskronik 8 XII 1944 – 2 II 1945 ». Le curé de l’époque, l’abbé Schickelé, y relate au jour le jour les événements qui se sont déroulés au Logelbach. René Schickelé né à Mutzig (18/02/1896), ordonnée prêtre en 1923, occupa plusieurs postes de vicaire puis fut curé de Plaine (1930). Nommé à la paroisse du Logelbach en août 1937 il fut installé en septembre. Il occupa ce poste jusqu’en 1951, date à laquelle il fut nommé doyen à Altkirch. Nommé chanoine titulaire de la cathédrale de Strasbourg en 1957 il prit sa retraite en 1969. Il est décédé à Haguenau le 3 janvier 1974. C’était un neveu du chanoine Modeste Schickelé.

Le texte, en allemand, est entrecoupé de réflexions personnelles et de versets du bréviaire en latin. On ne peut pas livrer une traduction littérale de ces notes, ce texte se composera donc de parties traduites, en italiques, et de quelques remarques rendant plus compréhensible l’ensemble. Pour ne pas alourdir le texte, quelques explications sur les lieux et les personnes sont placées en fin d’article.

Logelbach

Première page de la chronique de guerre "Kriegschronik 8 XII 1944 - 2 II 1945"
écrite au jour le jour par le curé du Logelbach René Schickelé

Logelbach se trouve incorporé au front. « Les hommes sont dans l’anxieuse attente des évènements. » Le sentiment général est que quelque chose de grave, de très difficile est en attente. Le serpent de feu derrière les Vosges se manifeste, le ciel est empourpré, Saint-Dié de même que Gérardmer brûlent comme des torches. La guerre se rapproche de plus en plus. Les sirènes hurlent. Des escadres de bombardiers des Alliés survolent quotidiennement la région et déchargent leur cargaison en face. Le spectacle de ces oiseaux géants est imposant, si seulement il n’était si tragique : la mort et la destruction les suivent. On creuse des fossés antichars autour de Colmar. Les gens sont mobilisés dans le « Volksturm ». Beaucoup d’hommes sont encore absents pour creuser des tranchées, les uns vers le coin de Belfort, d’autres vers les Hauts de Ste Marie-aux-Mines ; les familles sont très préoccupées par leur absence. Ceux qui sont de retour ne savent pas pourquoi leurs camarades ne sont pas revenus avec eux. De sombres Huns, des soldats à l’air farouche sont venus. Ils abattent sans pitié les arbres centenaires des parcs qui faisaient l’honneur du Logelbach. La barricade anti-chars de la rue Hirn coupe Logelbach en deux. Toutes les communications par-dessus le canal sont coupées par des barbelés. Seul un itinéraire de voleurs conduit par la cour de l’usine Haussmann de l’autre côté.

Vendredi 8 décembre 1944

Le matin à 7 heures, grand-messe en l’honneur de l’Immaculée Conception. Soudain, à 9 heures, résonnent les premiers coups de départ d’une batterie de canons en position dans la cour de l’usine Herzog. Combien de canons y a-t-il là-bas ? Personne n'a le droit de s’approcher. A chaque départ le sol, toute la maison, les portes et les fenêtres vibrent. La consternation est générale. Chacun se dit : « Les autres ne vont pas rester sans répondre. » Effectivement, dans la nuit vers 11 heures et demie les premiers obus sifflent sur Logelbach. Nous pouvons nous attendre à quelque chose ! Cela va devenir sérieux.

Samedi 9 décembre

...l’après-midi des obus, souvent par deux, tombent dans l’espace entre l’usine Herzog, le couvent et l’église. Un impact dans le parc derrière la chapelle. Le portail est démoli. La chapelle a été touchée par de nombreux éclats d’obus, elle est très endommagée du côté ouest. Les déflagrations ont enfoncé tous les vitraux, surtout les trois précieux vitraux du chœur montrant l’Annonciation, la Nativité du Christ et la présentation au temple. L’intérieur de la chapelle ne présente pas de destruction. La statue de Saint Thérèse est intacte quelques vases sont tombés de l’autel.

Deux jeunes mettent les objets à l’abri dans le caveau Herzog.

Dimanche 10 décembre

Pas d’office religieux. Personne ne se risque dans la rue... Une messe du soir est annoncée pour 17 heures, mais des obus tombent au courant de la matinée et de l’après-midi. On entend distinctement les coups de départ et les impacts le matin et l’après-midi entre 3 heures et 3 heures et demie. Beaucoup d’habitations n’ont plus de lumière. La nuit a été calme.

Lundi 11 décembre

...à partir d’aujourd’hui plus d’électricité dans tout le Logelbach. Nous sommes coupés du monde. L’après-midi de nombreux impacts dans les environs immédiats. La rue de la chapelle a eu son lot.

Mardi 12 décembre

Le curé est appelé pour une extrême-onction dans le haut de la rue Acker. Il ne rencontre personne dans la rue. Les gens sont à l’abri, la plupart dans la cave de l’école Herzog. Il continue :

L’après-midi j’ai rendu visite aux sœurs du couvent. Le bâtiment a le plus souffert jusqu’à présent, surtout la maison des sœurs et la chapelle ; la chapelle montre un impact dans le mur avant, le cloître et les parloirs sont mal en point. Il n’y a plus une porte ou une fenêtre entière dans toute la maison. Les sœurs habitent la cave avec les 40 personnes âgées de Mulhouse qui ont été hébergées au couvent. Tous ont l’air apeurés et anéantis. Une image saisissante : la cave sombre avec des bougies éclairant faiblement, les révérendes sœurs en habit blanc de leur ordre viennent à ma rencontre comme des fantômes, derrière ces pauvres gens qui ne se sont pas encore remis de leur peur. Une vision du purgatoire de Dante. Leur aumônier, le RP Robert Wintz est leur ange gardien. Sans penser à sa propre sécurité il s’occupe témérairement de tous les occupants. Il a cherché des briques et du bois chez Gaenshirt pour étayer les murs et les sécuriser contre les impacts venus du dehors... La journée d’aujourd’hui a été plus calme, mais à partir de 8 heures du soir il y a eu des impacts d’obus pendant toute la nuit.

Mercredi 13 décembre

Vers 4 heures du matin, feu roulant. S’agit-il de l’entrée en matière d’une bataille de chars ? de temps en temps passe bruyamment un char allemand. Au matin, nouveau duel d’artillerie. De nombreux impacts. Monsieur l’aumônier nous apporte à la cave l’annonce terrifiante de la mort d’Armand Schaffhauser. En route entre la cave de l’école et sa maison il a été mortellement touché par un obus...

Armand est la première victime civile, il avait à peine 17 ans. Il venait de rentrer du RAD [1] à Thüringen.

Jeudi 14 décembre

On se souvient d’une nuit de terreur. Depuis 8 heures et demie du soir, de obus hurlants et sifflants traversent la nuit et réveillent les gens en sursaut ; tous les environs et Logelbach sont sous le feu. A minuit exactement, des obus explosèrent tout près du presbytère, une des explosions fut très forte. Nous nous sentions tous proches de la fin et priions avec ardeur... Ensuite le feu se fit moins dense et s’éloigna, mais par contre se déchaîna une bataille de chars ? ou d’artillerie des deux côtés. Parfois on avait l’impression que la ligne de feu était toute proche par-dessus la forêt de la Fecht et vers le sud sur le terrain dégagé entre Colmar et la forêt de la Hardt. Un bruit infernal ! Au lever du jour presque toutes les fenêtres de la maison sont cassées jusqu’à la cave. Un éclat d’obus a traversé la cuisine et passant par le mur et deux portes a atterri au bureau. En face, les vitraux de l’église ont subi de nouveaux dégâts, une partie est enfoncée. Des morceaux de plâtre sont tombés des croisées. Près de la chapelle j’ai trouvé un impressionnant morceau d’obus d’environ 20 kg provenant d’un projectile mal explosé. L’obus a creusé un grand trou dans la couverture en béton du caveau. C’était sans doute celui de minuit. Ce qui restait des vitraux de la chapelle a été démoli par la pression de l’air. Dieu soit loué que cette « bête » n’ait pas pénétré jusque dans le caveau, il y aurait eu des dégâts. Par miracle, cet obus n’a pas occasionné plus de dommages. J’ai emporté ce lourd morceau de ferraille au presbytère comme « souvenir » de guerre. Chez nos voisins aussi règne la désolation. Je montre à M. Gaenshirt et à ses ouvriers qui sont venus de Colmar l’obus de 15 ou 21 mm [2] qu’on ne peut soulever qu’avec peine. Tous sont pénétrés de respect devant le calibre et nous nous disons : « Si quelques morceaux de ce genre volent encore vers nous, nous ne verrons plus la fin. » Nous vivons constamment dans l’insécurité et l’ignorance. Personne n’est orienté sur la situation réelle de la bataille, et peu savent ce qui se passe de l’autre côté du Logelbach. N’ayant pas de courant électrique, nous ne pouvons même pas écouter la radio de Stuttgart. Des coups de feu partout. Les nuits sont longues et lugubres. Le « Boxer » erre et ses aboiements creux et enroués résonnent dans la nuit hivernale.- un soldat dit : « Que faisons-nous encore dans ce pays ! Nous ne sommes là que pour votre perte. »
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Vendredi 15 décembre

Bombardement prolongé dans la nuit. Un obus frappe le clocher de l’église faisant un grand trou dans la partie avant. Un autre cratère à côté de l’église partie ouest. Le Saint Sacrement et la communion ont été descendus à la cave. Un obus incendiaire est tombé sur la porte à l’entrée de l’usine Herzog ; la maison est en flammes. La famille Eichholtzer n’a pu sauver que sa vie. Nous avons trouvé refuge chez M. Gaenshirt après avoir percé le mur.

Samedi 16 décembre

Deux obus éclatent dans la propriété Gaenshirt à 3 heures de l’après-midi, l’un dans le chantier, l’autre devant l’escalier de la maison. Albert Baechthold, le chauffeur, qui venait de sortir dans la cour, est frappé devant la porte de la maison par plusieurs éclats, il est projeté sur l’escalier et reste là, couvert de poussière, sans vie. C’était comme un éclair venu d’un ciel serein. N’ai pas entendu le coup de départ ! M. Gaenshirt est en train de descendre l’escalier, d’un cheveu, le patron et Mme Baechtold eussent été atteints. Grande agitation dans toute la maison. Conduite courageuse de Charlotte. Si Mme Gaenshirt avait dû vivre tout cela ! Que va-t-il encore se passer ?
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Il y a eu plusieurs obus dans le bas du Logelbach.

Dimanche 17 décembre

Un coup dans les combles de la maison Kempf–Hoffert. La charpente brûle complétement.
Les familles sinistrées fuient vers Wintzenheim.
J’ai de nouveau pu dire une Sainte messe. Un soldat sert de servant de messe. Nous nous installons à la cave à côté de la chaufferie pour les offices.

Lundi 18 décembre

De nouveaux bombardements à 11 heures et 2 heures. M. Bricola m’appelle au Schwarzer Weg une chose horrible y est arrivée, un affreux malheur. Un obus a explosé au milieu d’un groupe d’enfants qui jouaient. La famille Bleicher a perdu ses trois enfants de 11, 10 et 3 ans ; la famille Rottner deux, Bernard, 11 ans est mort à l’hôpital, Hélène, 8 ans a été déchiquetée, Jean est à l’hôpital, grièvement blessé. Le curé s’étend sur l’horrible spectacle et fait des commentaires sur les horreurs de cette guerre. Il conclut : « Le sang innocent d’Abel crie pitié. » Rue de la poudrière dans le bas du Logelbach, les gens se tiennent sur le pas de leur porte. Ils ne savent pas ce que nous avons déjà vécu dans le haut du Logelbach. Un accident est pourtant si vite arrivé !

19, 20, 21, 22 décembre

Divers impacts, en général cependant les journées sont plus calmes. Nous passons nos jours et nos nuits à la cave et à la buanderie. A tort ou à raison on compte partout avec une durée plus longue. Les uns disent que nous serions tous évacués sur Colmar et plus loin par-dessus le Rhin. Nous préférons mourir à la maison.

Samedi 23 / Dimanche 24 décembre

De vendredi soir jusqu’à samedi, le feu à la filature Herzog, un foyer gigantesque éclaire le ciel nocturne. Ce malheur en plus si nos usines brûlent et que notre gagne-pain quotidien se perd.

Lundi 25 décembre, Noël

Nous célébrons aujourd’hui le cinquième Noël de guerre, comme à l’étable de Bethlehem, dans l’obscurité, la pauvreté, l’abandon du monde, le froid...

Mardi 26 décembre, Saint-Etienne

La nuit de Noël fut agitée, la batterie en « feldgrau » tira quelques salves, mais de l’autre côté aucun obus n’est tombé sur Logelbach. La veille de Noël la mort a enlevé deux personnes d’entre nous, toutes les deux sont mortes à l’hôpital : Madame Maria Tournoy et Umberto Bricola. Près du pont d’Ingersheim, cet homme fut touché par un obus et est mort par suite d’un épanchement de sang interne. Il a risqué sa vie pour sa famille sa femme et ses enfants. Il est mort pour les siens. Honneur à son souvenir.
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Le curé s’étend sur le décès de Mme Tournoy qui était âgée.
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Le jour de la Saint-Etienne fut calme. Par contre, la soirée nous a réservée une grande agitation et un grand effroi. Après 3 heures deux chasseurs bombardiers descendirent en piqué et larguèrent leurs bombes sur le bas du Logelbach. Sans doute visaient-ils la batterie allemande que malheureusement ils n’ont pas atteinte. Le hangar à bois et la filature de l’usine Haussmann sont en flammes, plus bas la maison du coin (Baumann) brûle. D’autres maisons ont subi de grands dégâts, l’orphelinat a aussi pris sa part, une bombe dans le jardin. Les bombes sont pires que les obus... Après ces bombes vinrent les obus. Le toit de l’église fut frappé de plein fouet, les ardoises furent arrachées et la toiture arrachée. Un deuxième obus a frappé la sacristie des servants de messe, la grande armoire est démolie et les affaires jonchent le sol. Cette nuit personne n’a dormi. J’ai été à l’orphelinat et j’ai laissé un encouragement aux sœurs. Tous sont exposés au danger.

Mercredi 27 décembre

A la lumière du jour on constate le résultat des obus de hier. Un grand trou est percé au-dessus de la tribune. Dieu merci, l’orgue n’est pas démolie et est encore debout. Le matin après la messe et à 11 heures nouveau duel d’artillerie. On commence à en avoir assez de cet énervant concert d’acier ! Quelqu’un dit que bientôt viendraient 1000 avions pour nous délivrer... Mais s’ils viennent comme ceux de hier... Ce n’est que maintenant que j’apprends que l’attaque aérienne dans le bas du Logelbach de hier après-midi a malheureusement fait deux victimes. Je croyais mal entendre ! Mamsel (sic) Marie Clad et la jeune Gabrielle Feltin (10 ans) là-bas dans la maison Hamm, et tous les autres sont blessées et à l’hôpital de Colmar. La terrible nouvelle vous fait froid dans le dos. Chacun se demande comment cela s’est passé. Ce n’est que plus tard que l’on a appris que la famille de la route de Colmar voulait éviter le danger et est pour ainsi dire allée à la rencontre de la mort. Toute la maison, avec la charpente, s’est écroulée et a enseveli les victimes...

Jeudi 28 et Vendredi 29 décembre 1944

Les jours derniers, les tirs se sont quelque peu relâchés. Mais de nouvelles craintes remontent vers nous. On sait que Bennwihr ainsi que Sigolsheim sont détruits et pratiquement incendiés. De l’autre côté, à Ingersheim aussi, cela n’est pas beau. Maintenant toute la localité doit partir. Sans arrêt passent des gens apeurés sauvant les biens qu’ils ont réussi à emporter sur des charrettes à bras et des brouettes, des charrettes de marché. D’autres emportent du bétail et du fourrage. Une grande partie d’Ingersheim n’est plus habitable. Il fait très froid ! A la fin, notre tour viendra quand même ! Le soir de nouveaux départs de coups chez Manartel. Là aussi se dressent maintenant de ces dangereuses bêtes hurlantes. Cela fait maintenant trois semaines que nous sommes terrés comme des taupes sous terre, dans l’obscurité. A quand la fin ?
Custos, quid de Noche. Veilleur où en est la nuit ? (Esaïe ch 21 v11)
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Lundi 1er janvier 1945, Nouvel An

Le jour de l’An fut calme. Dans la localité même pas d’impacts, le feu s’étend ailleurs, nous entendons clairement aux alentours les tirs de Nouvel An autrement qu’avec des pétards. Vers 11h1/2 de la nuit, la région entre Sigolsheim–Fecht-Ammerschwihr était illuminée par des fusées éclairantes, il y a eu un court échange de tirs, on entendait crépiter des mitrailleuses. Les Américains arrivent-ils à percer ? Nous commençons la nouvelle année Anno Domini 1945, les yeux bandés. Celle qui est passée ne nous tire pas de larmes. L’avenir proche est devant nous muet et silencieux comme une tombe. Que va nous apporter de bon la nouvelle année. Comment sortirons-nous de la situation où nous nous trouvons, par quel chemin ?
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1945 semble un champ de mines. En sortirons-nous ?
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J’ai commencé aujourd’hui mes visites de nouvel an. Dans les abris de l’usine Haussmann j’ai vu beaucoup de choses inhabituelles. J’ai souhaité à tous une libération prochaine de notre misère. Chez certaines familles, le besoin semble grand et amer : elles n’ont que le minimum pour survivre... Dans le premier abri, les familles que j’ai rencontrées sont regroupées. Elles sont entassées dans de longues rangées de lits. Le deuxième abri héberge surtout les familles de la route de Colmar. Souvent des personnes âgées et quelques réfugiés d’Ingersheim. Le grand bunker à munitions sert de refuge aux familles de la Henk et du Fleischhöfle ainsi que des familles qui habitent les logements de l’usine. Tous sont limités à l’espace le plus restreint. On habite sous terre comme les Groenlandais. Le froid dehors est mordant. Dans l’abri, au moins il fait un peu chaud et quelle chance il y a de la lumière électrique. Un camp de Grenade, une vie de bohémiens... les jeunes passent leur temps à toutes sortes de pitreries et de chants... Les enfants ont peur. Les personnes âgées sont à bout, les visages sont vieillis, les nerfs lâchent, les membres sont endoloris par les longues stations assises sur des chaises ou des châlits.

Le curé fait ici allusion à un opéra de Conrad Kreutzer (1783-1849) : Ein Nachtlager von Granada qui décrit un campement de Tziganes.

Au Loreleifelsen en face, ils sont quand même mieux installés. J’ai aussi visité l’abri des messieurs [3] sous le batteur, j’y ai rencontré les directeurs et quelques familles sinistrées par les bombardements de la Saint-Etienne. La direction de l’usine a pourvu à tout, des lits sont dressés dans les abris, tous ont la lumière électrique ce qui dans les circonstances actuelles est un grand allégement de la situation. Les hommes vont à l’approvisionnement jusque dans les villages environnants, les femmes font la cuisine « On prend ce qu’on a ».
Tous ont bon espoir, si seulement cela ne dure pas trop longtemps, sinon les provisions viendront à manquer et nous y passerons. Les locaux de l’usine sont comme faits pour servir de cachette. J’ai donné la main à plus d’un que je croyais encore en Russie, en Pologne ou en Prusse Orientale. Je ne conseillerai à aucun policier (Grünen oder Speckreiter) d’entrer dans cet abris ou ce maquis. Sortirait-il vivant ? Ici on prend garde. Monsieur le curé nous donneriez-vous l’absolution si nous refroidissions celui qui voudrait nous arrêter ? Je répondis : un seul ne suffit pas, il en faudrait au moins trois. Monsieur le curé, voici le pistolet, dit l’un en sortant de derrière un lit. Je répondis, non, cela ne va pas devenir aussi dramatique. Ce ne sont que des lâches.
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Samedi 6 janvier

Le jour des Rois, comme à Noël... nous vivons toujours dans l’insécurité et la crainte.
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Janvier cette année est un mois d’hiver au froid mordant, après une pause prolongée des obus sont tombés la nuit dernière, vers 10h1/2 route d’Ingersheim, un coup a percé la conduite d’eau dans la route devant Scherberich. Dans les maisons alentour, les caves sont inondées d’un mètre 70. Les pauvres gens ont eu très peur et ont appelé au secours pour essayer de sauver ce qui pouvait l’être. Dans les champs se trouve une bombe, M. Scherberich était à 20m, heureusement elle n’a pas explosée. Dans le bas du Logelbach il y a eu des explosions dans le « Lange Hus » et au Tilleul. Aujourd’hui j’étais à Colmar pour la première fois dans le but de chercher un asile pour une vielle dame. Pas de passage vers la maison des vieillards. Le barrage routier rue de la Forge est fait de gros troncs d’arbre très serrés. Il faut le contourner par derrière. La cité de la Fecht montre de beaux trous d’obus, elle aussi. Pas de place à la maison des vieillards. Je suis allé à l’hospice départemental. A la cave on a mis les vieilles personnes à l’abri. Plus de place. Certain de ces vieux sont encore plus mal lotis que nous. Nuit et jour, ils n’ont qu’une chaise pour s’asseoir et ils doivent aussi y passer leur nuit. La cave est basse, l’odeur vous coupe la respiration ; le bétail à l’étable est mieux logé. Chez nous dans les abris de l’école nous sommes en meilleure posture ! En chemin je n’ai vu que peu de soldats, des artilleurs chez Manartel. Quelques « Landstürmer » (Balkans) avec de petits chevaux et des voiturettes de transport. Un seul bel officier de cosaques très svelte. Oh Jeh ! Si c’est ça tout le train avec lequel ils effectuent les transports ! O jerum jerum jerum. Was macht der alleine da. O quae mutatio rerum.

Mardi 9 janvier

Madame Cornélius a été blessée par un éclat d’obus chez elle dans sa cuisine. Ce sont toujours les mêmes qui sont atteints.

Mercredi 10 janvier

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Monsieur Antony a été blessé au bras dans la cour de l’usine Haussmann à 11h ½ du matin. Des impacts nocturnes rue de la Gare et dans les champs chez Wechsler. Au Logelbach, M. Gaenshirt a été salué par deux obus route de Turckheim, heureusement il n’a pas attrapé d’éclats. Dehors le danger rôde toujours. Du 10 au 11 janvier, nuit tranquille.

Vendredi 12 janvier

Aujourd’hui, Louis Noël, Lucien Knittel, Gérard Fellmann et Umberto Bricola sont partis pour le soi-disant engagement à Neuf-Brisach... Quelle utilité cela peut-il avoir de chercher et emmener ces jeunes ? Sans leurs pantalons ce sont encore des jeunes garçons. Quelques personnes ont sangloté à haute voix lorsqu’ils ont dit au revoir après la communion... Des obus sur la ville de Colmar.

Dimanche 14 janvier

...après-midi des obus sur Logelbach. On a appris ce jour des détails sur la nuit angoissante à Wintzenheim. Un incendie près de l’église, 21 morts dont 6 soldats. Comment se portent nos réfugiés là-bas ? Des hommes de Sigolsheim avec P. Richard ont été arrêtés par une patrouille sur la route de Bennwihr dans les vignes. Conduits dans un PC de combat – forêt de la Fecht – Houssen Bischwihr, ils ont failli se faire fusiller. J’ai visité M. l’Aumônier dans la cave de l’école et le couvent où il y a des malades. L’école avec son long bâtiment et sa cave profonde ressemble à une arche de Noé où 50 familles ont trouvé refuge ... Ils peuvent parler de chance, la Henk n’a pas été touchée, l’école non plus, pas une tuile n’a été déplacée malgré la proximité des canons. La longue cave sombre est comme le corps d’une baleine noire. De longues rangées de lits se dressent devant les grands tonneaux et le long des murs. A cette vue, la soif peut vous prendre au gosier. Chaque famille s’est réservé sa petite place. Autour d’un fourneau ou d’une table, d’une lampe à pétrole ou d’un bout de bougie les familles se sont regroupées paisiblement. On a commencé à s’installer provisoirement dans la deuxième cave, il reste de la place. Chacun aide comme il peut. « Nous avons ici des hommes braves qui nous apportent tout, on serait quand même content si cela se terminait. »
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Les gens sont en sécurité, il ne manque malheureusement que l’intrépide Armand. M. l’Aumônier fait tout ce qu’il peut à Colmar pour faire héberger les vieilles gens. Personne ne veut les chercher. Pas de bus ! Personne à Colmar ne se risque au Logelbach.

Mardi 16 janvier

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Madame Flickinger est de retour de son voyage. Les réfugiés de Wintzenheim se sont installés à la cave du presbytère qu’ils ont rendue habitable. Nous nous retranchons au presbytère. Aucun aperçu clair du front, on entend aujourd’hui des tirs de mitrailleuses et de chars de toutes les directions. Les 2 canons chez Herzog tirent tous les jours leur salve, heureusement en quantité réduite. Les munitions s’épuisent, chaque jour un camion apporte quelques-uns de ces œufs de crocodile. Souvent on a dit que les canons sont partis, les bestioles sont toujours à l’usine où les cherchent les chasseurs bombardiers. L’usine est devenue une friche, la Wehrmacht emporte tout « Wir holen » comme on peut le lire sur les camions.

Mercredi 17 janvier

On entend un feu plus violent depuis le sud. Hier soir un obus est tombé sur les rails. M. l’Aumônier était juste en train de remonter le « Schwarz Weg ». Un homme est tombé dans le fossé antichar profond de 3,50 m, il fallait l’en retirer à l’aide de cordes.

Lundi 22 janvier

Toute la matinée, les canons chez Herzog, derrière les nouvelles maisons, font feu. L’après-midi, de une heure et demie jusqu’à 6 heures et demie un coup part du côté américain régulièrement toutes les 1 minute et demie, apparemment sur le carrefour Eguisheim-Wintzenheim-Turckheim, pas très loin de toutes façons.

Mardi 23 janvier

Toute la nuit, dans un cercle allant de la Fecht jusque vers Mulhouse et Thann tirs d’artillerie et de chars. Aujourd’hui entre 8 et 9 heures passage de chars Tiger, un cliquetis continuel comme de lourdes chaînes de fer. Les reptiles s’en vont.
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Une dizaine d’avions sont venus mitrailler, en avaient-ils après les chars ? La FLAK dans la gravière a tiré pour la première fois.
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Dimanche 21, grosse chute de neige. Le 23, nouvelle chute de neige.

Jeudi 25 janvier

Hier et cette nuit très fort feu d’artillerie près de Houssen. Dans la nuit des tirs presque ininterrompus de chars et de mitrailleuses contre les Américains, une percée a-t-elle réussie à travers le champ de mines ? En tout cas, le front s’est rapproché de Colmar. Depuis le sud, canonnade renforcée mais tout va trop lentement. L’éternel séjour à la cave émousse les esprits, abêtit. Je me suis installé au presbytère en célibataire. Je cherche de la neige dans des seaux et des cuvettes pour avoir de l’eau. Quelle bonheur ce sera de pouvoir à nouveau dormir dans son lit !

Mardi 30 janvier

Le froid est toujours aussi mordant, 10-16 degrés de froid. Aujourd’hui nouvelles chutes de neige. La neige est restée tout le mois de janvier.

Mercredi 31 janvier

Une nouvelle couche de neige, le chasse-neige n’a pas réussi à passer jusqu’à l’église. En y pensant, cette épaisse couche de neige sur les routes et les champs nous protège comme un barrage routier. Plus il y a de neige, plus grand est le barrage. Dieu sait si notre Logelbach n’aurait pas été incendié et réduit en cendres comme d’autres localités si les chars avaient pu se rencontrer sans être gênés et que Colmar eut été pris par un assaut concentrique. Donc serrons les dents. Restons tranquilles, il se passe quelque chose, d’ici là nous tiendrons le coup dans nos caves.

Logelbach Logelbach

Jeudi 1er février 1945

Brusquement, aujourd’hui, un changement de température est intervenu. Le général Hiver est tombé de son cheval. La neige fond et l’eau de fonte stagne dans les rues. 3 heures de l’après-midi ! Une grande sensation : de Colmar à travers champs, derrière Wechsler une colonne de chars (américaine) se dirige à toute vitesse vers la route de Wintzenheim. Au premier moment on a de la peine à comprendre sa joie. Est-ce que ce sont eux ou non ? Naturellement ce sont eux. Route de Wintzenheim un roulement sourd, des voitures foncent sans arrêt. Ce ne sont plus les boches, ils n’ont pas autant d’essence à gaspiller ! Malheureusement les routes sont remplies de gadoue. On n’arrive pas à passer. L’attente joyeuse d’une libération proche dure longtemps, mais nous sommes encore isolés et ne savons pas au juste ce qui se passe. Des soldats allemands se cachent dans la cave de G. Pour eux la guerre est finie. Ils ne veulent plus aller en Angleterre.

Vendredi 2 février

C’est la Chandeleur. Les premières personnes qui viennent à la messe apportent la nouvelle : les Américains sont à l’école Pfeffel et à l’orphelinat depuis 5 heures ce matin... quelque chose de spécial va arriver. Espérons que tout se passera bien. Nous nous recommandons au sacré cœur du Galz. Les gens rentrent en hâte. Il règne encore un silence mystérieux. Le repos avant la tempête ? Les gens sont chez eux nerveux, anxieux, on craint des combats de rue. Au bureau de l’entreprise Gaenshirt un officier et une troupe de soldats se sont installés. Les soldats sont las, affamés, transis et regardent anxieusement autour d’eux en se couvrant. Comme le téléphone ne fonctionne plus l’officier décampe par-delà la barricade. Dieu merci, ils sont partis ! Tout de suite après, on voit arriver les premiers Américains depuis Colmar. Ce sont d’autres soldats. Ils ne manquent de rien, leur présentation est calme, sûre et certaine de la victoire. Devant eux la liberté, derrière eux la délivrance, la paix. Ils apportent la liberté et la paix. Cinq Américains sont entrés dans l’église à la recherche de soldats allemands. Je leur dis : « Welcom to the american soldiers ! giant Victory ! Vive, vive l’Amérique, vive la France ! God bless you, my dear friends ! I am father of the church. Germans not here, by no means ! » Trois de ces Américains se recueillent dans le chœur devant le tabernacle et font le signe de la croix et une génuflexion. Ce geste inattendu à ce moment m’a fait une profonde impression. L’un d’eux me montre la photo de sa femme et de ses enfants. La patrouille continue son chemin en se couvrant et fouille les maisons dont les volets sont fermés.
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Après l’arrivée des premiers Américains nous sommes témoins dans le quartier de l’arrestation des soldats allemands cachés dans la cave G. auxquels s’ajoutent encore deux qui s’étaient cachés à la Henck depuis quelques jours. Dommage qu’un photographe n’ait pas été là ! L’image de l’écroulement misérable d’un pouvoir arrogant qui voulait conquérir le monde.

Samedi 3 février

Le grand vitrail du chœur a souffert davantage encore d’une forte explosion de munitions, quelques morceaux se sont détachés

Dimanche 4 février

De nombreuses personnes à l’office, la chapelle de secours est trop petite. Au-dessus de l’autel, le drapeau du sacré cœur, il ne voulait, il ne pouvait rester caché plus longtemps, c’est le premier drapeau tricolore au Logelbach. Pour les arrivants c’est une surprise, pour tous un joyeux retour.
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L’après-midi j’entreprends un tour à bicyclette vers Colmar. Il n’y plus de place pour tous les chars et jeeps, et autres voitures. Des soldats en masse, approvisionnement et matériel autant qu’on veut.
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Les hitlériens en face vont vivre quelque chose. Le premier journal de Strasbourg

Lundi 5 février

Toute la nuit résonne un bruit sourd de roulement de centaines voire de milliers de voitures, de camions et de chars. Les nouvelles du front en Alsace sont bonnes. Les deux armées ont opéré leur jonction à Rouffach. Les Russes auraient atteint l’Oder. Un avion d’observation tourne depuis le matin et toute le journée, lentement au-dessus de Colmar. Un signe tranquillisant aucune FLAK ne tire dessus, aucun avion allemand, les Allemands sont loin, peut-être déjà refoulés au-delà du Rhin ?

Mardi 6 février

L’abbé Spiess de Dambach m’apporte des nouvelles des miens. Ils sont libérés depuis longtemps et Dieu merci, sans dommages.

Mercredi 7 février

Occupation américaine au presbytère. A la place d’officiers, 3 dames du service auxiliaire. Il y a eu un intermezzo espagnol. Au milieu de la nuit, alerte, il fallait chercher le médecin militaire et ensuite accompagner en ambulance a toute vitesse une des dames, une Lorraine de Morhange à l’hôpital ! (fausse couche). Il avait fallu donner l’alerte partout jusqu’à ce qu’on soit arrivés en salle d’opération à l’hôpital. Hier il y a eu des impacts au centre-ville à Colmar. Des canons à longue portée tirent par-dessus le Rhin. Le départ depuis le Kaiserstuhl ? La Forêt Noire ? Canons de marine ? V1 ? De nombreux soldats américains au Logelbach et chez Herzog. Ils ne connaissent pas la disette, aucune restriction : du pain blanc qui se mange comme des biscuits, des conserves, de la viande, du lait, du tabac, du café, du thé en veux-tu en voilà (en français dans le texte). Pour des trophées hitlériens ou du schnaps on peut tout avoir.

Vendredi 9 février

Dans la nuit de jeudi à vendredi de nouveau 7 « grosses bertha » à Colmar, aux Catherinettes, sur la place devant Saint-Martin, près de la gare, des soldats ont perdu la vie. D’autres victimes dans une explosion de mine dans les casernes. Des soldats quittent ce cantonnement et viennent au Logelbach. Plus tard ce sont des goumiers qui campent une nuit place de l’église et partent le lendemain en convoi. Retour de jeunes Logelbachois : Joseph Moeder, Armand Hochdoerfer, René Didierjean, Camille Kempf comme tombés des nuages ! Espérons que leurs camarades vont suivre bientôt. In te Domine speravi. Non confundar in eternum.

Le texte se termine ainsi.

[1] Reichs Abeitsdienst service du travail obligatoire pour tous les jeunes allemands

[2] Le curé semble peu au courant des calibres d’artillerie ou a oublié un zéro !

[3] Abris des cadres de l’usine

Logelbach Logelbach

Quelques remarques à propos de ce texte :

1) Les lieux-dits : un certain nombre de lieux sont nommés d’après l’expression populaire de l’époque. Si certains sont clairement identifiés comme la Henk ou le Fleichhöffle situés rue Haussmann et maintenant démolis, d’autres n’ont pas été expliqués. Le Loreleifelsen pourrait avoir été une construction en béton armé située dans le parc Herzog au bord de l’ancien étang. L’entreprise Gaenshirt dont les immeubles subsistent se trouvait rue du Cimetière.

2) Les rues ont pratiquement gardé leur nom, à l’exception du Schwarz Weg qui relie la rue de la Poudrière à la gare du Logelbach actuellement en partie rue des Mésanges à Colmar et rue du Hêtre à Wintzenheim.

3) L’usine Manartel se trouvait route de Colmar elle s’appella par la suite Mahle-Pistons. La ferme Wechsler se trouvait rue de la Forge, certains bâtiments subsistent.

4) Les hospices civils de Colmar géraient la maison des vieillards actuellement CPA, rue du Logelbach ; les enfants de l’orphelinat avaient été transférés dans les bâtiments de la pouponnière rue des Confins, mais lors des événements du 2 février, il s’agit de l’orphelinat rue du Staufen.

5) Pour la « Grosse Bertha » dont parle le curé en faisant allusions à plusieurs suppositions dont des V1 ! On se référera au livre de Paul Eschbach "C’était Colmar" (Ed Bentzinger) qui donne la clé de l’énigme.

6) Pour les jeunes qui se sont cachés parce qu’ils avaient déserté la Wehrmacht, outre ceux dont parle le curé chez Haussmann, madame Mathieu en a aussi signalé chez les Dominicaines. Il serait intéressant d’avoir quelques noms et témoignages de cet événement.

Article de Paul-André Cattin, paru dans l'Annuaire N° 9 - 2005 de la Société d'Histoire de Wintzenheim


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