WINTZENHEIM 39-45

L'organisation de la Résistance en France libre : des Alsaciens à Lyon


Hommage aux bistrotiers résistants de Lyon

Un petit café-épicerie-charcuterie de Lyon, tenu par des Alsaciens, a servi de plaque tournante à des réseaux locaux de résistance.

Durant toute la guerre, le café-épicerie-charcuterie du n° 156 de la rue Créqui, à l'angle de la rue Le Royer, 3e arrondissement, en plein centre de Lyon, fut un haut lieu de la Résistance. L'établissement était tenu par les époux Woehrlé, Alsaciens originaires d'Éguisheim. Le mari, Alphonse Woehrlé, déserteur de l'armée du Kaiser durant la première guerre mondiale et condamné à mort par contumace, était venu s'établir à Lyon. D'abord lieu de rendez-vous des Alsaciens évadés, le café devint le quartier général clandestin des agents de liaison des réseaux Action-Londres, Électre-Bouleau et Combat. Des Alsaciens incorporés de force en tenue verte fréquentaient les lieux, ce qui faisait fuir les habitués et provoquait des interrogations chez les voisins mais... détournait l'attention de la Gestapo lyonnaise qui avait l'œil sur le café.

Alphonse WŒHRLÉ

 Époux de Maria, 2 enfants. RÉSEAU AMARANTE. Né le 01.12.1897 à Éguisheim (Haut-Rhin). Décédé le 09.07.1968 à Lyon (2e).

Alphonse Wœhrlé est Alsacien de souche. Déserteur de l'armée allemande en 1915, il a été jugé puis condamné à mort par contumace. Installé à Lyon, il a repris en 1928 le fonds de com-merce de son patron (156, rue de Créqui). Toujours à la même adresse en 1939, il exploite avec son épouse une charcuterie-comptoir-épicerie pour la fabrication et la vente à emporter ou à consommer sur place de spécialités alsaciennes. Au moment de la débâcle, il accueille nombre d'Alsaciens qui, ne voulant pas retourner au  "pays", sont dans l'attente d'un hébergement à Lyon. Jusqu'en juin 1942, époque où les frontières suisses et la crète des Vosges sont bouclées, il loge avec son épouse des évadés ou des jeunes Malgré-nous, incorporés contre leur gré dans la Wermacht. Il brûle leur uniforme dans la chaudière de son local. Après l'invasion de la zone (dite) libre le 11 novembre 1942 par les Allemands, Paul Hirlemann, Robert Clor, Charles Ingold et Léon Muller transforment, avec son plein accord, le lieu en un dépôt de documents, d'armes, de postes émetteurs et de matériel clandestin. Dans la cuisine et la salle à manger de son établissement, des agents codent ou décodent, tandis que d'autres sont dans l'attente de liaisons à effectuer, ou que d'autres, encore, dépannent du matériel ou prennent du repos.

Maria WŒHRLÉ

Maria Helderlé, épouse de Alphonse Wœhrlé. 2 enfants. RÉSEAU AMARANTE. Née k 28.11.1905 à Colmar (Haut•Rhin). Décédée le 03.06.1995 à Lyon (2e).

Maria Woehrlé agit dans la clandestinité aux côtés de son mari. Leur établissement sert de Centre de rencontre à des agents de la Résistance originaires d'Alsace. Aux voisins intrigués par les nombreuses allées et venues de jeunes hommes, en remplacement d'une clientèle sans cesse en baisse, elle affirme qu'il s'agit là de jeunes gens de son village d'Alsace, sans famille en zone sud et heureux de pouvoir trouver un lieu de rencontre. Agent de la Résistance, elle oeuvre dans le cadre du Réseau Amarante. Elle rend visite à des Alsaciens internés à la prison Montluc de Lyon pour récupérer leur linge sale, renfermant des messages.

Source : Résistants à Lyon, Villeurbanne et aux alentours, 2824 engagements, Bruno Permezel, 2003


Lexique


RÉSEAUX

Réponse à des besoins immédiats, le plus souvent militaires, les Réseaux sont orientés vers l'action. Ils travaillent soit pour les Services de renseignements de la France libre (qui se transforme en France combattante), soit pour les Services secrets britanniques ou américains. Les Réseaux renseignent sur les effectifs, l'armement, la situation ou le mouvement des troupes allemandes, l'activité des usines et des arsenaux... Certains prennent en charge les évasions ou l'acheminement de personnes désireuses de gagner Londres ou l'Afrique du Nord (soldats britanniques bloqués en France pendant la débâcle, aviateurs tombés sur le sol français avec leur appareil, volontaires pour les services de la France libre, personnalités, prisonniers de guerre évadés...). D'autres encore effectuent des sabotages pour éviter des bombardements coûteux en vies humaines.

RÉSAU ÉLECTRE-BOULEAU

Organisation de renseignement créée à l'initiative du B.C.R.A., le Réseau Électre-Bouleau est homologué aux Réseaux renseignements et évasion des Forces françaises combattantes à compter du 1er juin 1942.

B.C.R.A. - BUREAU CENTRAL DE RENSEIGNEMENT ET D'ACTION

En juin 1940, le général de Gaulle forme à Londres un embryon de Service de renseignements des Forces françaises libres (F.F.L.) dont il confie la direction au capitaine Dewavrin (alias Passy). Le Bureau central de renseignement et d'action (B.C.R.A.) remplace en août 1942 le Bureau central de renseignement de l'action militaire (B.C.R.A.M.). Il prend en charge l'action politique en France. Les liaisons entre le B.C.R.A. et les Réseaux qu'il a organisés en France s'effectuent par radio, parachutages ou courriers transmis par la Suisse, l'Espagne ou le Portugal, et le plus souvent par avion. En 1943 à Alger, le B.C.R.A. devient la Direction générale des Services secrets (D.G.S.S.), avec Jacques Soustelle à sa tête.

RADIO

Chaque jour, la B.B.C. accorde quelques minutes de ses émissions aux résistants des différents pays occupés. L'émission Les Français parlent aux Français donne quelquefois la parole au général de Gaulle. Sa prise de parole est alors annoncée par la formule : "Honneur et Patrie, voici le général de Gaulle !". La B.B.C. égrène, avec des formules codées, des messages personnels dont la véritable signification n'est connue que des seuls destinataires : arrivée d'un résistant à bon port, annonce d'un parachutage... Le trafic radio en France occupée ne peut être que clandestin. Les Réseaux gèrent le renseignement au moyen de postes émetteurs et récepteurs, parachutés d'Angleterre. Les émissions radio se déroulent de préférence en ville pour éviter un repérage trop rapide par les appareils allemands de goniométrie qui, par triangulation, localisent les emplacements des postes clandestins. A l'heure convenue, l'opérateur radio entre en contact avec son correspondant au moyen d'un langage chiffré à l'aide d'un code.

FAUX PAPIERS

La police du gouvernement de Vichy et la Gestapo ont des listes noires. Les juifs, les résistants et les réfractaires au S.T.O. (Service du Travail Obligatoire) sont obligés de vivre dans la clandestinité complète. Toutes ces personnes traquées doivent se refaire une identité. Des complicités dans les préfectures, mairies et commissariats de police permettent à des faussaires de la Résistance de récupérer des exemplaires vierges de papiers officiels et les tampons pour leur authentification. Le lieu de naissance indiqué est souvent une ville bombardée où les archives d'état civil ont été entièrement détruites. Après le débarquement allié de novembre 1942, le choix des identités se porte souvent sur une ville d'Afrique du Nord, où toute vérification est désormais impossible. Certains maires résistants ajoutent une naissance au bas d'une page de registre d'état civil ou repèrent les noms de disparus ou morts en bas âge (nés dans leur commune) dont l'âge correspond à peu près à celui du demandeur.

AGENT DE LIAISON

Les moyens de communication que sont les Postes, le téléphone et le télégraphe étant étroitement surveillés par les Allemands et les agents de la collaboration, les Mouvements et Réseaux - pour faire face à cette situation - ont recours à des porteurs de messages qui se déplacent en train, à bicyclette ou à pied. Par précaution, ces agents de liaison ne connaissent en principe ni l'expéditeur, ni le destinataire des messages. Les plis sont déposés dans une boite à lettres qui peut être soit un boîtier placé dans le hall d'entrée d'un immeuble, soit le domicile d'une personne volontaire. Les femmes sont beaucoup utilisées pour ces missions car, moins suspectées, elles sont moins fouillées. Les agents des Réseaux sont immatriculés en France et en Angleterre. Ils sont classés par catégories (P2, P1 et P0) :
- les agents P2 signent un engagement jusqu'à la fin des hostilités. Ils sont à la disposition permanente et complète du Réseau. A ce titre, ils touchent une solde correspondant à leur grade ;
- les agents P1 donnent une aide régulière, tout en conservant leur activité professionnelle. Ils reçoivent des indemnités ;
- les agents P0 sont des agents occasionnels.

COURRIER

Les informations à destination des Forces françaises libres ou des Britanniques ne peuvent pas toujours être transmises par la voie des ondes (plans, photos et rapports). Des agents de liaison ont la responsabilité de transporter des documents à l'intérieur du territoire, mais aussi au-delà des frontières. Ces missions les conduisent à franchir la ligne de démarcation, les voies d'eau, les montagnes. Des avions atterrissent de nuit sur des terrains clandestins pour acheminer ou ramener des agents munis de sacs de documents. 

BOITE A LETTRES

Pendant l'Occupation, l'expression "boite à lettres" désigne soit un boîtier, situé dans un hall d'entrée d'immeuble et portant un nom imaginaire, soit une personne disposant d'un local (appartement discret, bistrot, magasin très fréquenté...) qui, volontairement, le met à disposition de l'action clandestine.

Source : Résistants à Lyon, Villeurbanne et aux alentours, 2824 engagements, Bruno Permezel, 2003


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