WINTZENHEIM 39-45

Une Orange Pour Quatre - René Schmitt


WintzenheimUne Orange Pour Quatre

Écrits et Cris 1935-1955

Les écrits...du bonheur, les cris...de la douleur

René Schmitt

204 pages, dépôt légal Avril 2015

Ouvrage très personnel non commercialisé, destiné aux proches de l'auteur.

*

Il s'agit de l'histoire d'une famille modeste entre Alsace et Morvan traversant les deux dernières guerres mondiales. Cet ouvrage est bâti autour de correspondances adressées par l'auteur à sa famille entre ses 7 et 16 ans pendant les vacances. Lettres accompagnées de portraits comme ceux d'un juif alsacien ou d'un résistant morvandiau. Figurent également ses devoirs d'instruction civique de l'année scolaire 1948/1949 où il lui est demandé par exemple comment il voit le Dijon de l'an 2000.

La plume est également partagée par quelques membres de sa famille où on apprend, entre autres, quels étaient les jeux d'une petite fille avant la mort de son papa en 1914.

L'auteur s'adresse au lecteur avec vérité, sans fards. Avec émotion, il relate quatre événements douloureux l'ayant marqué avant sa dixième année, lors de la Libération. Quoique croyant, il met à sa place l'Église Catholique dont l'omniprésence entraîne une conséquence heureuse puisqu'elle est responsable de la naissance de sa petite sœur Odile, quelques mois plus tard.


René Schmitt

René SCHMITT est né le 13 octobre 1935 à Autun (71)

Son adresse : 11 rue Raymond-Bougeot, 21300 Chenôve

E-mail : reneschmitt0328@orange.fr

(photo parue dans Le Bien Public)



Une orange pour quatre ou le récit d’un petit garçon de 9 ans

Dans son nouvel ouvrage, Une orange pour quatre, René Schmitt évoque son enfance, sa famille et ses blessures.

Il y a trois ans, René Schmitt présentait son premier livre Quand la Méditerranée traversait la France, une chronique d’Algérie couvrant la période de 1958 à 1959, années durant lesquelles René Schmitt a effectué son service militaire en qualité de soldat deuxième classe. Aujourd’hui, à l’aube de ses 80 ans, il se met à nu dans un nouveau livre, Une orange pour quatre.

On y découvre de nombreuses archives familiales à commencer par les lettres écrites à ses parents quand il était en vacances durant la période 1942-1951. L’ouvrage est illustré par une quarantaine de photos et dessins, et accompagné d’extrait de son carnet d’instruction civique quand il était en classe de 6e en 1948-1949. Le document est à l’image de son auteur, élégant et raffiné, qui a pourtant souffert d’avoir des parents qui ne parlaient que l’allemand et dont le père, un haut gradé de l’armée, est venu travailler en France à une époque où les stigmates de la guerre étaient encore bien présents.

Dans son livre, il donne la parole à plusieurs membres de sa famille, sa mère notamment dont il présente les écrits qui expliquent sa jeunesse, il y a cent ans ; sa sœur Odile également, dont il se plaît à dire qu’elle est la fille du curé, en réaction à une confession où le curé avait dit à sa mère « On se marie pour avoir des enfants. Si vous ne prévoyez pas de faire des enfants, je ne vous donnerai pas l’absolution ». Il dresse ainsi les portraits de personnes qui lui sont proches : Théophile, le juif alsacien et copain de son père, ou encore Gilbert Dargent, le résistant. Son récit l’amène forcément à évoquer son père, un Alsacien, sujet de l’empereur Guillaume II, parlant l’allemand, qui s’est trouvé à faire son service militaire au 29e régiment d’infanterie à Autun sans connaître un mot de français. « On le traitait de sale boche ! » Au lieu de le détruire, ses paroles l’ont aidé à devenir un grand citoyen français retenu à l’école de gendarmerie de Strasbourg puis, membre de l’état-major à Dijon…

Une orange pour quatre est aussi l’occasion pour ­René Schmitt d’évoquer “les cris de la douleur” comme ce jour d’août 1944 où il est témoin de l’assassinat du maire de Sommant ; le décès de sa grand-mère suite à une agression dont elle ne s’est jamais remise, ou encore le pillage de l’appartement familial, le jour de la Libération de Dijon.

Le livre n’étant pas commercialisé, une libre participation financière sera demandée. Les fonds dépassant les frais d’impression seront reversés au Secours populaire de Chenôve.

Source : Le Bien Public, 20 février 2015


SOUVENIRS : WINTZENHEIM 1945

P. 17-19 - Pendant l'été 1945, Germaine (40 ans), notre maman doit subir à Dijon une importante intervention chirurgicale nécessitant un long repos. Ces raisons conduisent nos parents* à nous confier plusieurs semaines à nos grands-parents alsaciens : Charles (71 ans), Catherine-Emma (63 ans)**. Ils vont voir leurs habitudes bouleversées notamment avec les difficultés liées au dialecte pour correspondre [communiquer] avec leurs petits-enfants "de l'intérieur"

J'ai presque dix ans et ma petite soeur Odile 30 mois. Quatre valises en carton nous accompagnent. Nous quittons Dijon par un train fumant, escarbilles assurées, wagon de 3ème classe en bois pour arriver le 8 août à Colmar, puis Wintzenheim, village viticole de 4100 habitants, à 250 km de Dijon. Et nous y séjournerons jusqu'à fin septembre. De condition modeste, Charles, magasinier à la retraite, par ailleurs fin jardinier, Catherine, ouvrière à la retraite en usine de confection. Grand-mère en or, belle, souriante, très expressive, passant volontiers du rire aux larmes. Pour mémoire, Charles avait été un ami proche de Hansi, célèbre caricaturiste et écrivain, dessinateur de modèles à tissus chez D.M.C. de Logelbach. [en réalité, dessinateur industriel à l'usine textile Herzog de Logelbach].

P. 21-22 -  Le village se relève difficilement de la guerre où les combats laissent des traces : des maisons détruites, façades criblées d'impacts d'obus. Wintzenheim, situé au cœur de la Poche de Colmar entre décembre 44 et fin janvier 45, subit quatre bombardements conduisant nos grands-parents à vivre plusieurs semaines dans leur cave. Ainsi le 15 janvier [en réalité le 12 janvier 1945 : http://wintzenheim3945.free.fr/D12_12janvier1945/12janvie1945.htm), un bombardement déclenche l'incendie de quelques maisons provoquant la mort de 27 civils et sauveteurs par une température de -18 degrés. Alors que Strasbourg à 80 kilomètres à vol de cigogne est libéré le 23 novembre, Wintzenheim ne l'est que le 2 février par les blindés du Général de Lattre de Tassigny, ce qui n'a pas empêché une attaque allemande le lendemain.

C'est le rationnement : entre le 8 janvier et le 8 février, un témoin indique avoir touché 50 gr de beurre, 100 gr de sucre, 100 gr de pain (10 cigarettes pour les hommes). Les 100 gr de viande prévus ont été attendus en vain. Et la maison ? Elle est située 4 rue Poincaré (jusqu'en février 45 Hüttenweg, dénomination allemande). Une grande statue de la Vierge au manteau bleu ciel sur la commode, un long chapelet accroché au mur avec d'autres objets pieux. Une croix dans chaque pièce.

A l'intérieur, unique point d'eau : l'évier. Les "commodités", elles, se situent dans le jardin en traversant le chemin de terre proche. Édicule odorant comme il se doit, en planches intégralement recouvertes de cartes postales des années 1900-1920 (représentant souvent le Kaiser ou des édifices pompeux allemands) se chevauchant scrupuleusement grâce à des clous de tapissier. Les journaux se révèlent les ancêtres du papier toilette. Les seaux de toilette fonctionnent la nuit.

L'été 45 ? .. Le printemps après la tourmente de six hivers d'occupation ! Joie extériorisée lors de la célébration du 15 août. Toutes les associations défilent : pompiers, musiques, chorales, sociétés de gymnastiques en tenue ou en costumes alsaciens. Elles s'étaient déjà retrouvées dans la liesse le 18 février lors de la fête de la Libération.

P.35 - 9 septembre 1945. Maintenant, il n'y a pas de fruits à acheter : pas de raisins, pas de poires, pas de pommes. Nous avons eu aujourd'hui chacun un raisin parce que le cousin, le père de Hubert [Schmitt Hubert, ferblantier décédé en 2016] passait dans la rue revenant des vendanges. Il nous a donné un raisin, autrement on n'en aurait pas eu.

Extraits des lettres à ses parents du 5, 9, 17 septembre 1945 :

Maintenant j'ai un camarade, le petit Bloc de Chamblanc*** qui est en ce moment en vacances. Il s'amuse bien avec moi. Il me donne des choses américaines pour les réfugiés. Ce matin, il a apporté un paquet de gâteaux, et hier, du café. Il nous a apporté aussi du nougat et un paquet de Céréal sucré. Le petit Bloc est à Colmar, car ils ont déménagé, mais ils y habiteront pas toujours. Le petit Bloc de Chamblanc s'appelle Pierre, il a 9 ans 1/2, ils habitent Colmar.

* Père : Émile Auguste Antoine SCHMITT, né le 17 janvier 1902 à WINTZENHEIM
Mère : Germaine Françoise Pierrine DEVELAY, née le 30 novembre 1905 à EPINAC (Saône et Loire)

** Grand-père : Charles SCHMITT, magasinier, né le 4 novembre 1874 à Wintzenheim, fils de Philippe Jacob SCHMITT, vigneron, et de son épouse, Anne Marie née KELLER

Grand-mère : Catherine Emma SEILER, domestique, née le 25 avril 1882 à Althorn (actuellement commune de Goetzenbruck) en Moselle, fille de Valentin SEILER, polisseur, et de son épouse Anne Marie née HORNBERGER

Ils se sont mariés à Wintzenheim le 15 février 1901 et habitaient au 4 rue Poincaré à Wintzenheim

*** René parle d'un Pierre Bloc, âgé de 9,5 ans en 1945, domicilié à Colmar. Y aurait-il erreur sur l'âge ou sur le prénom ? Il pourrait s'agir de l'un des enfants d'Alice Maximilien née à Wintzenheim et de Gaston Bloch de Colmar : Pierre né à Strasbourg en 1928, Jean-Paul né à Strasbourg en 1936, Rémy né à Chamblanc en 1939. Pendant la guerre, cette famille s'était effectivement réfugiée à Chamblanc. (Guy Frank)

Wintzenheim
P.20 - Défilé du concours de l'Avant-Garde du Rhin (12-13 juillet 1924)
Wintzenheim
P.34 - Devant la Chapelle Notre-Dame du Bon Secours (1945)

Wintzenheim

P.26 - En 1945 chez tante Jeanne et oncle Ernest Boeckler, rue Serpentine à l'arrière du 9 rue de la Cigogne, en impasse jusque dans les années 1960

(collection René Schmitt, Chenôve - Côte d'Or)

Nota : Jeanne Elise SCHMITT, née à Wintzenheim le 29 janvier 1904 de Charles SCHMITT et Emma SEILER, épouse de Ernest BOECKLER, soudeur à EDF, est décédée à Colmar le 30 mars 1982. (Guy Frank)


SOUVENIRS : WINTZENHEIM 1948

P.75 - Le rituel familial. Me voici seul à Wintzenheim, chez mes grands-parents. Trois années sont passées depuis la fin de l'Occupation : on peut s'occuper de choses sérieuses et se faire plaisir. Tante Jeanne (44 ans), fines lunettes cerclées, visage souriant, laissant entrevoir quelques dents en or, s'est autoproclamée correspondante du meilleur boucher-charcutier de la ville. Le rite commence de très bonne heure chez la famille Schmitt. Un vaste sac en moleskine noire va accueillir les trésors du palais. Seront soigneusement choisis, viandes fumées, lard gras fumé, lard maigre fumé, palette fumée, grosses saucisses, petites saucisses, knacks, Landjäger, jambons fumés, jambons blancs, etc... A l'arrivée 4 rue Poincaré, toute la famille se rassemble debout pour la présentation des achats. La choucroute, quant à elle, aura été prélevée la veille dans la cave par grand-père Charles escorté par son petit-fils. Elle sera extraite du fût familial, lavée, rincée, puis déposée dans un vaste saladier. Outre le tonneau de choucroute, la cave abrite également des pommes mûres, du raisin, du vin pétillant, le Bemr. Et le dimanche, un joyeux repas familial honnêtement arrosé, fera "vivre ensemble" comme on dit maintenant. Cigares, Schnaps, accordéon seront de la fête ! Alléluia ! la vie est belle...

P. 81 - Théophile Dreyfus. Du haut de mes 12 ans [1948], je voyais Théophile Dreyfus, ami fidèle de papa, comme un géant adorable, allure de sanglier et voix de stentor. Fort accent alsacien. Sa femme Emmy, toute frisée aux cheveux d'ange embrassait avec une bouche humide. Leur fille, elle aussi frisée, toute en transparence, un peu plus âgée que moi. Une odeur caractéristique envahissait la maison. Sa demeure était placée sous la protection de Dieu grâce à la Mézouza, ce parchemin calligraphié placé dans son étui et fixé au chambranle de la porte d'entrée. Théophile était responsable de l'importante communauté juive. Il n'a pas connu la déportation massive des 1100 Juifs du Haut-Rhin. Il s'était réfugié en 1941 en zône libre dans le Jura à Cesancey. Il avait pris le nom de "monsieur Théo", exerçant la profession de commerçant ambulant. Logeant à l'hôtel pour sa sécurité, il avait confié 8000 francs à papa afin qu'il règle ses principales dépenses : hôtel, marchand de vin, etc...

P.83 - Lettre du 19 août 1948. Toute la maison Gspann [1 rue Poincaré] est gentille pour nous et particulièrement les habitants du rez-de-chaussée. Anna Gspann (qui s'est mariée en août 1945) m'a dernièrement rapporté un morceau de bon chocolat, une banane, des pommes et de la marmelade de pommes. Lundi, j'ai passé un bon après-midi avec Alice, à mi-chemin du Hohlandsbourg, au monument Meyer. [...] Pour le pain d'épices, je crois que tu ferais bien, chère maman, d'en amener un paquet pour René Guntzburger, voisin de mon âge [2 rue Poincaré]. Quand vous viendrez à Wintzenheim, vous dormirez chez pépère et mémère, car il ne faut pas compter coucher chez les Bentzinger [6 rue Poincaré], ils ont des pensionnaires.

P. 161 - Auguste Schmitt, le père de l'auteur, était gendarme, y compris durant la guerre de 1939-45. Lors de ses missions à la prison de Dijon, il ne manquait pas de dissimuler aux côtés de documents officiels des courriers à destination de son ami Théophile Dreyfus, alors emprisonné.

Wintzenheim
P.40 - Rue Clemenceau, le ruisseau est permanent (1945)
Wintzenheim
P.84 - Fin août 1948, jour du départ 4 rue Poincaré

(collection René Schmitt, Chenôve - Côte d'Or)


Juin 2016 : de passage à Wintzenheim

Wintzenheim
(photo Christian Birlinger)
Wintzenheim
(photo Guy Frank)

21 juin 2016 : René Schmitt, 81 ans, et sa sœur Odile, 73 ans, sont de passage à Wintzenheim, sur les traces de leur jeunesse.
L'occasion d'échanger quelques anecdotes avec Guy Frank, auteur d'un ouvrage sur Wintzenheim en 1939-1945.

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