Mme Langweil, la bienfaitrice de notre studieuse jeunesse alsacienne est à Colmar, où nous avons eu le plaisir de la rencontrer et de l'interviewer. Elle nous a dit sa joie de retrouver sa chère Alsace française, plus française que jamais ; sa joie aussi de pouvoir réaliser son désir de toujours choyer notre jeunesse et stimuler son ardeur à apprendre la langue nationale et à s'y perfectionner. Il y aura de nouveau des "Prix de Français", et, ce qui est mieux, cette année encore.
Mme Langweil, la bonne fée de nos écoliers et écolières, a, en effet, réalisé le magnifique tour de force de trouver, malgré les temps difficiles, de beaux livres et d'autres agréables surprises qu'elle remettra elle-même aux enfants de plusieurs écoles, au cours de fêtes qui, très certainement, n'auront pas moins d'éclat que celles d'avant la guerre. (Nota : elle a ainsi pu réunir deux tonnes de livres que des Éclaireurs parisiens ont récoltés un peu partout dans la capitale. Source : Le Nouveau Rhin Français du 14 juillet 1945).
Il y aura des fêtes à Colmar, capitale du Haut-Rhin, à Wintzenheim, où est née Mme Langweil, et à Ostheim, l'une de nos communes martyres...
Source : Les Dernières Nouvelles du Haut-Rhin du mardi 3 juillet 1945
En 1945, l'Année de la Délivrance, Joseph Batto fils
reçoit le Premier Prix de Français.
Il s'agit des "Contes d'une grand'mère" de Georges Sand
Dimanche 15 juillet 1945. Avant la fête proprement dite, Mme Langweil avait déjeuné dans sa petite patrie, entourée des autorités locales et régionales. On remarquait avec M. Tannacher, maire de Wintzenheim, M. Tomasi, Sécrétaire général, le capitaine Beck, chef d'État-major du Général Bapst, M. Storck, Inspecteur d'Académie, le Général Andréa et Madame, de Guebwiller, le Docteur Pfleger, ancien Sénateur, M. Geis, le Docteur Pflimlin, M. Luckert, M. et Mme Noufflard, ainsi qu'un certain nombre de membres du Conseil municipal. M. Tomasi, M. Tannacher et M. Pfleger saluèrent en Mme Langweil la grande patriote dont l'œuvre a tant fait pour l'Alsace française.
A 14 heures commence la fête, à la fabrique, où 700 enfants, car ceux des communes voisines ont aussi été invités, sont réunis avec leurs familles. Le Général Bapst a tenu à honorer de sa présence cette fête à laquelle la fanfare du 8e d'Artillerie apportera encore plus d'un embellissement.
Le corps enseignant de Wintzenheim est présent et n'a pas peu de peine à calmer tant soit peu l'ardeur bruyante de ce jeune peuple turbulent. M. Basler, directeur de l'école, et son auxiliaire M. Imhof ainsi que Sœur Marie-Virgile, la directrice de l'école des filles ont fort à faire avec ces gamins qui crient leur joie aussi fort que leur patriotisme est élevé !...
Et ce sont alors autour de ce beau thème éternel qu'est la France, une série de chants et de poésies que les jeunes interprètes exécutent avec sérieux et grâce et humour à la fois.
Après quoi, M. Basler prend la parole et évoque le patriotisme de ses jeunes compatriotes qui, tant qu'ils purent, sabotèrent la jeunesse hitlérienne, et quand ils y furent obligés partirent la rage au cœur dans la Wehrmacht, un ruban tricolore dans leur portefeuille comme le jeune Jean-Louis Muller de Turckheim le proclame dans son ultime profession de foi adressée peu avant sa mort à sa mère. "A la fin de ma carrière, s'écrie M. Basler, ma plus belle récompense est de pouvoir dire que mes collègues et moi avons conservé l'amour enflammé de la jeunesse pour notre France". (Nota : M. Basler prendra sa retraite au mois d'octobre de la même année. Source : Le Nouveau Rhin Français du 3 octobre 1945).
M. Storck remercie les organisateurs de cette belle réussite et s'adressant en patois aux enfants les engage à devenir de bons Français et de bons citoyens.
Le Général Bapst au nom de l'armée, tire la leçon de ce jour ; la langue française, partie cinq ans dans le maquis est revenue victorieuse prendre possession de son domaine inaliénable.
Puis chacun tient à fêter l'animatrice de tout cela. M. Théophile Dreyfus apporte des fleurs à Madame Langweil qu'il remercie au nom de la communauté israélite. L'enthousiasme des assistants est grand et on applaudit les jeunes lauréats qui sont pour l'école des filles : Melles Gspann Alice, Brauneisen Irène, Groetz Odette, Joerg Léa, Haas Alice, Berna Jeanne, Hoffmann Monique, Schmitt Richarde, Wagner Jeanne. Et chez les garçons : Hebinger Jacques, Tannacher Bernard, Hermann Robert, Kling Roger, Batto Joseph, Tannacher René, Kannengiesser Antoine, Schmitt Hubert, Wehrle J.P., Schuler Bernard, Helfer Daniel, Hassler Yves, Ziegler Gérard, Burgart Jean-Claude et Schira Hubert.
Cette cérémonie se termina par la Marseillaise comme il se doit, quand, en Alsace, on fête les belles choses qui nous viennent de France.
Source : Le Nouveau Rhin Français du mardi 17 juillet 1945
En Alsace, dans les deux départements français, des années 1923 à 1938, et après la deuxième guerre mondiale jusqu'à la fin des années 1950, étaient promues deux écoles primaires dans chaque département, par la remise du "Prix de Français Langweil". Madame Langweil, présidente et fondatrice de ce "Prix de Français", récompensait ainsi les petits Français qui avaient obtenu les meilleurs succès en langue française durant l'année. Grande et généreuse "Amie des petits Français d'Alsace", elle sut se faire entendre par de grands noms de l'époque. Pour ne citer que les plus connus : le célèbre Hansi, les présidents Millerand, Poincaré, le ministre de l'instruction publique Léon Bérard... Ce prix était remis chaque année dans les communes concernées lors des 13 ou 14 juillet, et revêtait une certaine solennité en s'accompagnant de fêtes organisées par les autorités locales en présence de nombreuses personnalités du département et de l'enseignement.
La
maison natale de Madame Langweil est signalée par une plaque apposée au-dessus
de la porte du 26 rue de l'Ancienne Église à Wintzenheim (photo Guy Frank, 4
février 2004)
Le Prix de français en Alsace
Hansi a dédié son livre "L'Alsace" à "Madame Langweil, présidente et fondatrice de l'œuvre du prix de français en Alsace, à la grande et généreuse amie des petits Français des deux départements du Rhin". Madame Langweil était antiquaire, spécialisée dans l'art d'Extrême-Orient, mais après la cession de son affaire, en 1923, elle s'habituait mal à l'inaction et, en attendant de trouver un sujet d'occupation, elle faisait des réussites dans son salon toute la journée. C'est alors que Hansi lui suggéra une initiative qui tendait à favoriser le développement de la langue française en Alsace. Madame Langweil s'enthousiasma, adopta le projet et, avec le concours de Hansi, put obtenir le patronage du président Millerand, de Raymond Poincaré, alors président du Conseil et de Léon Bérard, le ministre de l'Instruction publique qui "lui assura le concours de sa haute influence". Des grands journaux, le Gaulois, le Figaro, le Temps, le Journal des Débats, l'Intransigeant claironnèrent des appels. Il y eut un important comité de patronage, c'était une oeuvre de caractère national et un comité actif, très restreint, dont Madame Langweil prit la présidence. Hansi fit partie de la petite équipe qui entourait la présidente et apporta sa contribution à l'œuvre en exécutant gracieusement deux compositions à l'aquarelle pour le diplôme et le reçu destiné aux donateurs. Le Comité reçut d'importantes souscriptions et suffisamment de dons pour que, dès 1923, des livres fussent envoyés aux écoles d'Alsace et que les premières distributions officielles pussent être organisées. Le prix récompensait les enfants qui avaient obtenu des succès en français. Par la suite, une plaquette en bronze, oeuvre de Madame Noufflard *, sanctionna les efforts des maîtres qui se distinguaient dans leur enseignement.
Les distributions revêtaient une certaine solennité et s'accompagnaient de petites fêtes organisées par les autorités locales auxquelles se mêlaient les personnalités officielles du département et de l'enseignement ainsi que les journalistes parisiens dont beaucoup appartenaient au monde des lettres. Ainsi chaque années, les 13 et 14 juillet, la distribution eut lieu dans quatre communes d'Alsace dont deux étaient choisies dans le Bas-Rhin et deux dans le Haut-Rhin.
La première manifestation eut pour cadre le hall de gymnastique de l'école Pfeffel à Colmar. Puis on se rendit à Wintzenheim, pays natal de Madame Langweil. L'impulsion était donnée et, chaque année, régulièrement le comité put accomplir la tâche qu'il s'était fixée. A Rouffach, en 1927, Madame Béatrice Dussanne, qui se joignit à la caravane des visiteurs, ne se fit pas prier pour dire des fables du bon La Fontaine devant des petites filles ébahies. Elle appuyait beaucoup sur l'a de l'âne en annonçant : "Le meunier, son fils et l'âne". Les distributions, interrompues par la guerre 1939-1945, reprirent après la libération. Tout le monde avait vieilli et les organisateurs, en un bel élan, tentaient de braver les atteintes de l'âge, heureux de se retrouver. C'était une résurrection inespérée après tant d'années de séparation et d'épreuves. Comme autrefois, en 1938, les journalistes accoururent encore nombreux de Paris, et on se rendit à Ammerschwihr puis dans le Bas-Rhin, à Boofzheim et à Obernai où un grand déjeuner fut servi à l'Hôtel des Ducs d'Alsace. Hansi avait-il l'impression qu'il voyait Obernai pour la dernière fois ? Il était fatigué, souffrait et il était maussade. Il est vrai que la pluie ne favorisait pas l'optimisme. "On a vu cette chose inouïe, des hôtels et pensions vides le 14 juillet ! Découragés par le mauvais temps, les estivants étaient partis" (Hansi, lettre du 19.07.1948)
L'œuvre ne vivait que par le dévouement de sa présidente-fondatrice et la part qu'elle prenait personnellement dans les frais d'organisation des distributions. Hansi l'assistait avec la même abnégation abandonnant ses droits d'auteur sur tous ses ouvrages qui furent vendus à l'œuvre. La distribution d'Obernai fut la dernière manifestation du Prix de Français en Alsace. Quelques mois plus tard, Hansi écrira avec mélancolie : "Madame Langweil abandonne le prix de français. L'achat des livres à Paris, l'expédition à Colmar, la réexpédition dans les villages, l'organisation des banquets, etc... c'est trop à son âge. Dommage, c'était joli et utile" (Hansi, lettre du 01.05.1949).
Source : Journal des Ménagères du dimanche 26 octobre 2003
* Berthe Noufflard, fille de Mme Langweil, est née le 5 juillet 1886 et morte en 1971. Elle fut élève de l'atelier de J.E. Blanche où elle rencontra son futur époux André Noufflard en 1910, de même que Lucien Simon. Ils se marièrent l'année suivante. Elle exposa à Paris, aux Salons de la Société Nationale des Beaux-Arts à partir de 1907, et au Salon des Tuileries. En 1988, la galerie Dixon de Memphis a consacré une exposition aux peintres André et Berthe Noufflard, exposition qui fut ensuite présentée à Washington, Oklahoma City, Saint-Pétersbourg (Floride), Naples (Floride), Fort Wayne (Indiana) et New-York. (Source : Dictionnaire critique et documentaire des peintres, sculpteurs, dessinateurs et graveurs de tous les temps et de tous les pays; E. Bénézit, Gründ 1999)
Diplôme décerné en 1936-1937 à Marie-Louise Pfeffer de l'école des filles de Wintzenheim. Il s'agit d'une aquarelle signée Hansi (collection René Furstoss)
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