Entre 1940 et 1946, plus de 6 500 hommes, femmes et enfants ont été internés en France dans une trentaine de camps pour le seul fait d’être considérés comme Tsiganes par les autorités allemandes et françaises. Cette histoire appartient tout autant à celle des persécutions raciales mises en œuvre par l’Allemagne nazie qu’à celle de la répression du nomadisme, politique menée par nombre de démocraties occidentales comme la France.
Deux décisions ont facilité cette persécution :
- D’une part, le carnet anthropométrique institué
en 1912. La loi a pour objet de contrôler le déplacement en roulotte de ceux
qu’on appelait alors les romanichels et de rassurer ainsi l’opinion publique.
Elle
crée le statut juridique aberrant de « nomade ». Elle vise en particulier
et sans le dire les Roms, Sintis, Tsiganes et les Yéniches. Environ 40 000
personnes étaient ainsi fichées avant-guerre.
- D’autre part, le 6 avril 1940, la Troisième
République interdit sur le territoire métropolitain et pour toute la durée de la
guerre la circulation des nomades et les assigne à résidence. Le 4 octobre 1940,
les autorités d’occupation ordonnent aux préfets de la zone occupée - la zone
nord - d’interner les Tsiganes. La force publique française arrête alors
prioritairement les familles assignées à résidence et les porteurs du carnet
anthropométrique, ainsi que des forains, des travailleurs itinérants, des
clochards et des sédentaires marginalisés, c’est-à-dire toutes les personnes
soupçonnées d’être Tsiganes tant par les autorités allemandes que françaises.
En zone libre, la règle était l’assignation à résidence. Les nomades ont l’interdiction de circuler sur la totalité du territoire français. Toutefois, les Tsiganes expulsés d’Alsace-Lorraine à l’été 1940 sont internés dans les camps d’Argelès-sur-Mer, Barcarès puis Rivesaltes. En mai 1942, le gouvernement de Vichy crée à Saliers (Bouches-du-Rhône) un camp réservé aux Tsiganes. Dans les Hautes-Pyrénées, le camp de Lannemezan est destiné aux nomades étrangers.
À la Libération, les Tsiganes ne sont pas libérés comme les autres internés administratifs. L’internement reste assimilé à une mesure d’assignation à résidence, le décret du 6 avril 1940 étant toujours en vigueur. Ce n’est qu’avec le décret du 10 mai 1946 officialisant la fin de la guerre, qu’on libère les derniers nomades du camp des Alliers (Charente)… bien après les collaborateurs.
Le décret d’Himmler du 16 décembre 1942 ordonnant la déportation à Auschwitz des Tsiganes du Grand Reich ne s’appliquait pas à la France. Néanmoins, 145 Français arrêtés dans les départements du Nord et du Pas-de-Calais rattachés à la Belgique font partie du convoi Z du 15 janvier 1944. Les hommes internés à Poitiers sont quant à eux déportés en 1943 dans les camps de Sachsenhausen et Buchenwald dans le cadre de l’opération Meerschaum qui alliait une nouvelle politique de répression via la déportation massive des opposants politiques et l’approvisionnement des camps en main-d’œuvre forcée.
Après la guerre, ces familles démunies et meurtries restent soumises au régime des nomades. En 1969, un carnet de circulation moins contraignant mais tout aussi discriminatoire remplace le carnet anthropométrique. Ce n’est qu’en 2010 et 2016 que la France reconnait officiellement sa responsabilité dans l’internement d’une frange de ses concitoyens, les Tsiganes internés étant en effet à plus de 90 % de nationalité française. La loi no 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et la citoyenneté a enfin heureusement supprimé les anciennes dispositions indignes.
Source :
- Marie-Christine HUBERT : « L’internement des Tsiganes en France pendant la Seconde Guerre mondiale ». Ministère des Armées, Chemins de mémoire.
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