WINTZENHEIM 39-45

Les expulsés : exemple de la famille Eugène Bouillon

Eugène BOUILLON : expulsé

Eugène BOUILLON est né à Wintzenheim le 30 octobre 1886. Ses parents, Bouillon Auguste, boucher, et sa mère Schaffar Marie-Anne sont tous les deux francophiles. Son père le fait entrer comme interne au Collège des Frères de Marie à Saint-Dié-des-Vosges. Eugène grandit dans un milieu francophile et francophone.

En 1915, il est enrôlé dans l’armée allemande. Tombé malade, il passe quelque temps à l’hôpital dans un quartier de Berlin. Le 14 juillet 1916, il part pour le front russe et, trois mois plus tard, il est dirigé sur le front du Nord de la France, à Liévin. Après plusieurs affectations, il a la chance d’être recruté comme interprète, devient chauffeur de camion et même cuisinier. Lors de la retraite générale vers l’Allemagne, il profite de l’opportunité pour quitter l’armée et trouver refuge à Liège. De là, il part pour Paris d’où il rejoint sa famille après de multiples péripéties.

En 1918, après sa démobilisation, il reprend son exploitation agricole. En 1934, il publie, en français, un livre intitulé « Sous les drapeaux de l’envahisseur - Mémoires de guerre d’un Alsacien » où il laisse libre cours à ses sentiments francophiles et à sa détestation de l’Allemagne. Entre 1934 et 1935, il est maire de Wintzenheim.

Lors de l’annexion de l’Alsace et d’une partie de la Lorraine en 1940, avec sa famille et pour cause de francophilie, il est expulsé le 14 décembre 1940 au-delà de la ligne de démarcation. Avec son épouse Jeanne née Butterlin, ses trois filles Yvonne, Jacqueline et Marie-Louise et son fils Ernest, il rejoint le camp d’Aussillon dans le Tarn, puis se réfugie à Cazals dans le Lot en juin 1941. La famille revient à Wintzenheim en 1945, s’installe de nouveau rue des Prés et reprend son activité. Les liens étroits avec le Lot sont maintenus, car deux des filles y fondent, après la guerre, leur propre foyer.

En 1945, le maire de la Libération est Émile Tannacher. La vie reprend son cours pour l’organisation du fonctionnement de la commune. Après les élections municipales de septembre 1945, Eugène Bouillon est réélu maire, Alfred Freydrich devient 1er adjoint et Joseph Humbert 2ème adjoint. André Bruder est l’adjoint de Logelbach. Eugène Bouillon reste maire jusqu’en 1953. Il décède le 28 août 1966.

Société d'Histoire de Wintzenheim, Marie-Claude Isner

Sources :
- Archives municipales de Wintzenheim 3H5(1).
- Registre des délibérations du Conseil Municipal de Wintzenheim (1944 à 1953).
- Eugène BOUILLON (1934) : « Sous les drapeaux de l’envahisseur - Mémoires de guerre d’un Alsacien », Imprimerie Messager de Colmar.
- Raphaël Georges : "Bouillon, Eugène", notice biographique et thématique, publiée dans le "Dictionnaire et guide des témoins de la Grande Guerre", par le Crid 14-18, sous la direction de Rémy Cazals. 2011.
- L'Echo des réfugiés : organe d'entr'aide des Alsaciens et des Lorrains.
- Archives d’Alsace (AdA), site de Colmar série 195 W 1-10. Fichier des Alsaciens (Haut-Rhin) évacués dans les communes d’accueil de l’Intérieur pendant la Seconde Guerre mondiale, s.d. (1939-1940), versé sans bordereau le 29.04.1975 par le Service des Anciens combattants, Metz.
- Versement : Préfecture du Haut-Rhin 2e Div, 3e bureau – dossiers de personnel. SERVICE des REFUGIES
- Société d’Histoire de Wintzenheim : site Wintzenheim 1939-1945.

Les francophiles

Französlinge : dans cette catégorie créée par les Allemands, se retrouvent les membres de la Légion d'honneur, ceux du Souvenir français (association pour l'entretien des tombes de guerre), les engagés volontaires dans l'armée française en 1914-1918.
Source : L'Alsace dans la guerre 1939-1945, Bernard Le Marec et Gérard Le Marec

Eugène Bouillon : né le 30 octobre 1886 à Wintzenheim, décédé le 25 août 1966 à Wintzenheim, maire de Wintzenheim de 1934 à 1935 et de 1945 à 1953, fut expulsé avec toute sa famille le 14 décembre 1940. Il était l'auteur d'un livre "Sous les drapeaux de l'envahisseur - La grande bête de l'Apocalypse". En exil, il était accompagné de son épouse, Jeanne Butterlin, née à Wettolsheim le 03.06.1886, trois filles : Yvonne née à Wintzenheim le 23.10.1919, Jacqueline née à Wintzenheim le 18.11.1928, et Marie-Louise (Marlyse) née à Wintzenheim le 13.09.1930, et du fils Ernest, né en 1915.

Source : Jacqueline Nicod née Bouillon, 9 mars 2005


WintzenheimEugène Bouillon (1886-1966)

Eugène Bouillon naît en 1886 à Wintzenheim (en Alsace-Lorraine annexée) dans une famille qui cultive le souvenir de la France. Son père, un ancien combattant français de 1870, l’emmène par exemple assister au défilé du 14 juillet dans la ville de Belfort, restée française. De plus, Eugène passe une partie de sa scolarité en France comme interne au Collège des frères de Marie à Saint-Dié (Vosges). Il baigne donc depuis son enfance dans un milieu familial francophile et francophone.
Sa guerre commence en octobre 1915 quand il est enrôlé dans la garde impériale de Berlin. Après un séjour au camp militaire de Döberitz, il rejoint son cantonnement à Weissensee, un quartier de Berlin. Tombé malade, il passe quelque temps à l’hôpital avant que son bataillon ne se fixe finalement à Cöpenick. Le 14 juillet 1916, il part pour le front russe. Après des haltes dans les villages de Novo Vileisk (Lituanie) et Novozvenziani, il finit par débarquer à proximité du front à la station de Soly (actuelle Biélorussie). Il ne reste que trois mois sur le front russe et, au début de novembre, il est dirigé sur le front occidental dans le Nord de la France. Le 7 décembre il arrive à Hellemmes-les-Lille, puis est affecté dans la réserve au camp de Sainghin. Là, il participe à la construction d’une position de réserve à 18 km du camp. En février 1917, à son retour de permission, il est envoyé sur le front face aux Anglais à Liévin, à proximité de Lens. A nouveau porté malade, il bénéficie de quelques jours à l’infirmerie, puis rejoint un quartier de repos à Noyelles-sous-Lens avec toute sa compagnie, où ils sont astreints à de nombreux exercices. De retour au front, il occupe un temps une position d’avant-poste, avant d’avoir la chance d’être recruté comme interprète dans le village de Drocourt. En plus de cette fonction, il doit aussi s’occuper du cimetière des soldats. En avril 1917, une offensive victorieuse de l’armée anglaise oblige les Allemands à céder du terrain, ce qui conduit sa compagnie jusqu’à Courtrai en Belgique. Là, il saisit deux opportunités qui se présentent à lui : il est d’abord admis à une formation de chauffeur de camion, puis devient cuisinier du parc automobile de Roubaix (sans doute vers l’été 1917). Peu de temps avant l’armistice, il est même nommé chef cuisinier d’un casino des officiers à Bruxelles. C’est là qu’il assiste au mouvement révolutionnaire qui touche l’armée allemande au début de novembre 1918, puis qu’il partage avec les Belges la liesse populaire consécutive à l’annonce de l’armistice. Le conseil de soldats (Soldatenrat) proclame sa démobilisation et organise la retraite générale vers l’Allemagne. Une longue colonne de camions se met alors en route, de laquelle il trouve l’occasion de s’échapper, jugeant le moment opportun pour prendre congé définitivement de l’armée allemande. Il rejoint alors la ville de Liège et trouve à loger chez des hôtes très généreux qui l’hébergent durant trois semaines au cours desquelles il assiste au long défilé des troupes allemandes en retraite. Il quitte enfin Liège pour Paris avec neuf autres déserteurs alsaciens-lorrains à bord d’un train rempli de prisonniers français libérés. Après avoir transité au centre de triage du Grand Palais, les dix sont conduits au camp pour Alsaciens-Lorrains de Villeneuve-Triage. Il y est employé pendant trois semaines à charger et décharger des marchandises à la gare de Charenton, avant d’être enfin libéré et de pouvoir rentrer en Alsace. Il s’établit comme exploitant viticole à Wintzenheim et exerce à deux reprises le mandat de maire. En 1940, l’Allemagne nazie victorieuse annexe de fait le territoire de l’ancien Reichsland perdu en 1918. Notre auteur, Eugène Bouillon, tout comme une partie de la population jugée indésirable, en est expulsé et doit se réfugier avec sa famille dans le Lot.



WintzenheimSous les drapeaux de l’envahisseur

Eugène Bouillon, Sous les drapeaux de l’envahisseur. Mémoires de guerre d’un Alsacien ancien-combattant 1914-1918, imprimerie Messager de Colmar, 1934, 120 p.
Il semble que le témoignage, écrit après les faits, repose davantage sur des souvenirs que sur des notes prises au cours des évènements. Toutefois, celles-ci ont peut-être existé, comme nous le laissent penser les quelques dates précises qui ponctuent le récit. Malheureusement, dans l’ensemble, la chronologie des évènements manque de précision.
L’intention de faire de cet ouvrage une œuvre de propagande pour servir la cause française en Alsace n’est pas dissimulée. Au contraire, Eugène Bouillon donne le ton dès le titre : « sous les drapeaux de l’envahisseur », l’envahisseur désignant l’Empire allemand qui a eu la main sur l’Alsace-Lorraine entre 1870 et 1918. Puis il débute sa préface en précisant : « ces mémoires seront un témoignage de fidélité de l’Alsace à la France ». Par ailleurs, sur la carte jointe à l’exemplaire qu’il offre au sénateur du Haut-Rhin Sébastien Gegauff, on peut lire : « Cher Sénateur, veuillez accepter ce livre à titre de propagande pour la bonne cause. » Après ces avertissements, le lecteur ne s’étonnera pas de lire un récit teinté d’une francophilie très prononcée, voire d’une vision manichéenne des évènements. Le vocabulaire utilisé est évocateur : « l’envahisseur » (p.17), les « boches » (p.18, 60), les « enragés » (p.18), « nos bourreaux » (p.18), « la bête apocalyptique » (p.89) désignent tour à tour les Allemands ou l’armée allemande, même si, bien plus encore que l’ensemble des Allemands, ce sont les Prussiens et leur caractère belliqueux qui attisent la haine de l’auteur (p.23, 25, 26). En outre, le témoignage est ponctué de commentaires sur les méfaits commis par les soldats allemands dans les régions occupées, que ce soit en Lituanie (p.46, 47), dans le nord de la France (p.51, 61, 66, 67, 69) ou en Belgique (p.82). On y trouve aussi un enthousiasme à peine voilé quand il s’agit de décrire l’infériorité matérielle de l’armée allemande (p.58-59), ses défaites et ses replis (p.92, 99) qui deviennent autant d’occasions de vanter l’armée française et plus généralement la nation française (p.86-87). En tant qu’Alsacien francophile revêtu de l’uniforme feldgrau, Eugène Bouillon ne manque pas de sympathie pour les prisonniers de guerre français (p.27), ou les Polonais et les Russes subissant l’occupation allemande (p.35-36), c’est-à-dire pour toutes les personnes rencontrées qui comme lui sont hostiles aux Allemands. Il tente toujours d’entretenir de bonnes relations avec les civils, notamment dans le nord de la France (p.62) et en Belgique, où il célèbre le 14 juillet 1918 dans une maison bourgeoise de Roubaix et trinque avec ses hôtes en l’honneur d’une victoire française prochaine (p.91).
L’ouvrage est donc partial, mais non dénué d’intérêt. On y suit le parcours d’un soldat à l’expérience originale, qui porte un regard curieux sur les régions qu’il traverse. La religion tient une place importante dans sa vie et son récit est ponctué de références de nature biblique (p.62, 71, 85, 97). Dès qu’il en a l’occasion il va prier dans une église ou assister à un office (p.48, 50, 54), non seulement pour trouver un réconfort personnel mais aussi plus largement pour le Salut de la France (p.37, 41, 42, 43, 50, 78).
Surtout, ce témoignage permet de mieux comprendre l’extrême complexité du cas des soldats alsaciens-lorrains de l’armée allemande. D’un point de vue identitaire, la minorité nationale qu’ils forment est loin d’être homogène : l’éventail est large entre ceux qui considèrent défendre leur patrie dans l’armée allemande et d’autres comme Eugène Bouillon qui, à l’inverse, ont l’impression de trahir leur nation (la France) en combattant avec l’uniforme feldgrau. L’expérience combattante qui en découle est donc tout aussi variée. Dans ce témoignage à charge contre l’armée allemande, l’auteur ne manque pas de dénoncer la suspicion, voire le mépris des officiers à l’égard des soldats alsaciens-lorrains. Il semble y avoir été particulièrement sensible, autant en Allemagne (p.28) que sur les fronts russe (p.38, 44, 45) et français (p.63), allant jusqu’à prétendre l’existence d’une propagande diffusée dans l’armée allemande pour stigmatiser les Alsaciens-Lorrains (p.45). Le sentiment d’être des soldats de second rang est partagé par de nombreux compatriotes qui vivent plus ou moins bien les différences de traitement dont ils font l’objet : ces soldats se voient par exemple écartés de certaines missions ou bien retirés de la première ligne pour être affectés dans une compagnie de pionniers (p.74). Eugène Bouillon lui-même passe du front à l’arrière en tant que traducteur, chauffeur puis cuisinier d’un parc automobile. Ses conditions de vie s’en trouvent très améliorées, étant donné sa moindre exposition à la mort et le confort dont il peut jouir (notamment en matière d’alimentation et de repos). Pourtant, selon l’auteur, cette mise à l’écart pose la question du sens à donner à la mobilisation des Alsaciens-Lorrains dans cette armée : Guillaume II, le « dieu allemand » (p.61), aurait opéré un mauvais choix en décidant de les envoyer au front (p.82). Il explique, en parlant des soldats alsaciens-lorrains comme « les honnis, les parias du peuple allemand » (p.97) que ceux-ci n’avaient pas « l’élan » que pouvaient avoir la grande majorité des soldats allemands (p.120). Au contraire, en les employant, l’Empire allemand les a obligés à une « lutte fratricide » (p.120) contre leurs frères français : « le boche me met le poignard en main pour me faire tuer mes frères » et « trahir mon sang » (p.34). Ce constat le décide assez tôt à déserter. Il y songe dès son départ pour le front russe (p.34) et plus sérieusement encore à son retour sur le front français (p.55, 58). Il élabore même un plan pour s’enfuir en direction des lignes adverses tenues par les Canadiens ; il le met à exécution mais est contraint d’abandonner au dernier moment (p.59). Ce n’est qu’avec la déroute militaire et la situation révolutionnaire de novembre 1918 qu’il peut enfin concrétiser ce vœu.
Au final, la rédaction puis la publication d’un tel témoignage semble avoir pour but d’offrir à la France une preuve de patriotisme, ce qui peut ressembler à une tentative pour se justifier d’un passé militaire dans l’armée allemande vécu comme un complexe lourd à assumer depuis la réintégration de l’Alsace-Lorraine à la France.

Source : Raphaël Georges


L'exil

Il n’est donc pas étonnant qu'Eugène Bouillon figure dans la deuxième vague d’expulsion, le 14 décembre 1940, avec sa famille, car Eugène est expulsé avec ses proches. Ils se retrouvent alors au camp d'accueil d’Aussillon (Tarn) que la famille quitte en juin 1941 pour s'installer à Cazals, dans le Lot. En 1944, la famille est au Passage d'Agen (Lot-et-Garonne).

 

BOUILLON 10

2 mars 1941

Dans l'Echo des Réfugiés, une réponse à une annonce précise
que M Eugène Bouillon, vigneron et ancien maire de Wintzenheim
se trouve avec sa femme et quatre enfants
chez M. Etienne Bardon, district Bonne-Cause,
commune d'Aussillon-Mazamet (Tarn)
Wintzenheim BOUILLON 03

1942


Famille Bouillon à Cazals (Lot)
Père Auguste Bouillon, Yvonne, Jacqueline, Marlyse
Wintzenheim BOUILLON 04

1942

Famille Bouillon à Cazals (Lot)
Jacqueline, Père Auguste Bouillon, Marlyse
Wintzenheim BOUILLON 05

1942

1ère messe du Père Auguste Bouillon
au couvent des Rédemptoristes à Souceyrac (Lot)

Jacqueline, Eugène Bouillon, Auguste, Jeanne, Melle Bisantz (la marraine),
à l'avant : Marlyse
BOUILLON 07

1942

Famille Bouillon à Cazals (Lot)
Eugène, Auguste, Mlle Bisantz, Jeanne
Assises : Marlyse et Jacqueline
BOUILLON 08

16.08.1942


Le Père Auguste Bouillon à Cazals (Lot)
Wintzenheim BOUILLON 02

27.03.1943

Famille Bouillon à Cazals (Lot)
Jeanne et Eugène Bouillon
BOUILLON 06

1944

Passage d'Agen (Lot-et-Garonne)
Communion de Marie-Louise (Marlyse)
Jeanne, Yvonne, Marie-Louise, Jacqueline, Eugène
BOUILLON 09

1944

Famille Bouillon au Passage d'Agen (Lot-et-Garonne)

Eugène, Jeanne, Jacqueline, Yvonne

Nom marital : Jacqueline Nicod, Marlyse Groelly, Yvonne Sussmilch

(collection Jacqueline Nicod)


Témoignage de Paul Hirlemann

En arrivant à Lyon après notre périple jusqu'à Montreux-Château j’ai trouvé parmi mon courrier une lettre de Monsieur BOUILLON, un habitant de Wintzenheim qui avait été expulsé au mois de Juillet 1940 avec toute sa famille parce qu’il avait écrit un livre anti-Fritz « Sous le drapeau de l’envahisseur » et ceci entre les deux guerres. Paysan, il avait loué une ferme avec 45 hectares de terres, de forêts et de prés autour. Dans cette lettre il m’invite à venir passer une quinzaine de jours chez lui à Cazals dans le Lot ; la ferme s’appelait « Gagnepot ».
J’ai donc décidé de donner suite à cette invitation avant de reprendre mon travail. Il fallait aller jusqu'à Cahors et là prendre le car jusqu'à Cazals qui se trouvait à environ 40 kilomètres de Cahors. Mais comme c’était un coin perdu, il n’y avait qu’un car qui circulait par semaine et c’était un vendredi ; il partait le matin et rentrait dans la soirée.
Arrivé à Cazals on m’a dit que la ferme en question se trouvait sur une colline à 20 minutes de marche. Arrivé à la ferme on m’a demandé de suite des nouvelles de Wintzenheim et on m’a signalé également qu’à 200 mètres de la ferme habitait un autre expulsé de Wintzenheim avec sa femme ; c’était le pharmacien qui était le président de la section U.N.C. de Wintzenheim.
Le lendemain de mon arrivée, j’ai croisé Monsieur LUCKERT, le pharmacien, et il m’a invité à passer également quelques jours chez lui. C’était d’ailleurs chez lui que j’ai appris par la radio l’évasion du général GIRAUD de la forteresse de Koenigstein, comme il l’avait déjà fait pendant la guerre 1914-1918. Il avait traversé l’Alsace du Nord au Sud sans problème alors que les Fritz avaient mis sa tête à prix, ils promettaient 100.000 marks à qui aiderait à sa capture mais personne les voulait.
C’est un jeune que je connaissais bien, Henri KUPFER, garde-forestier à la frontière suisse qui lui a fait traverser la frontière près de la ferme « Les Ebourbettes ». Il nous a déçus par la suite parce qu’il s’est mis à la disposition du maréchal au lieu de rejoindre Londres.
A Cazals où on cultivait tout, surtout les haricots blancs, on pouvait encore se rassasier, les paysans ne pouvant plus se défaire de leur récolte vu qu’il n’y avait pas de moyen de transport, les Fritz ayant confisqué presque tous les wagons de marchandises et les gros camions. J’ai réussi à acheter chez un paysan 25 kilos de haricots blancs que j’ai fait envoyer chez Madame WOEHRLE à Lyon et qui sont bel et bien arrivés à la bonne adresse. A la suite de cet arrivage on a mangé pendant deux mois des haricots blancs tous les soirs.

Source : Mémoires de guerre de Paul Hirlemann, manuscrit, archives de la SHW


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