WINTZENHEIM 39-45

La Légion SS de l’Inde Libre - Die SS Freies Indien Legion


WintzenheimSimone Schildknecht (photo Guy Frank, 26 avril 2017)

Hindous abattus à Logelbach

Simone Schildknecht, née Bettlé, a vu le jour en 1938, à Colmar. Son père, Oscar, était responsable de la centrale électrique de Logelbach, et la famille habitait dans la maison attenante à la centrale, à l'angle des routes qui mènent à Wintzenheim et à Turckheim. La maison était plutôt isolée. Vers le nord, on apercevait la Heilgass (1) et les prés du "Galgenplatz", l'endroit où se trouvait autrefois le gibet où l'on pendait les condamnés à mort. Plus loin coulait le Muhlbach, déviation de la Fecht qui alimentait les moulins du Logelbach.

C'est sur ces grands prés ouverts, devant les peupliers qui bordaient le canal, qu'en septembre 1944 campait pendant quelques jours un groupe de 5 ou 6 Hindous avec leurs chevaux. Une curiosité pour nous qui n'avions jamais vu d'étrangers. Ces soldats de la Waffen SS, basanés, portant barbe et turban, nous impressionnaient par leur allure exotique. Ils passaient la journée à jouer aux cartes. Mon père leur a rendu visite et en a profité pour faire quelques photos. Mais les enfants avaient interdiction de les approcher. Avec les étrangers, on ne sait jamais...

Et pourtant... La tentation était bien trop forte, et du haut de mes six ans, en cachette de mes parents, je m'approchais de leur campement pour les observer, dissimulée derrière un buisson d'églantines (2). C'est ainsi qu'il me fut donné d'assister à une scène horrible. Bien cachée, j'ai vu venir vers le campement quatre ou cinq soldats allemands, de ceux qui cantinaient un peu plus loin sous le préau de l'école des garçons, rue Herzog. Dans leurs bottes cirées, ils se sont approchés des Hindous, ont sorti leurs pistolets, et les ont exécutés froidement, méthodiquement. Leur abominable forfait accompli, ils ont pris leurs papiers et sont partis avec les chevaux, laissant sur place les dépouilles et leurs turbans.

Ayant désobéi en m'approchant du campement, je n'ai jamais osé en parler à mes parents, mais ce que je venais de voir m'a obsédée et traumatisée durant toute ma jeunesse, au point que j'ai dû, pendant 8 mois, être placée dans un home d'enfants, le "Bois Fleuri" à Guebwiller (3). Là, on a essayé de comprendre l'origine de mon rachitisme et des cauchemars qui me réveillaient et me faisaient hurler la nuit. Mais malgré ce séjour au calme, mes souvenirs sont restés enfouis au plus profond de moi. Ce n'est que vers l'âge de 21 ans, en voyant des soldats allemands dans un film sur la guerre, qu'ils ont ressurgi et que j'ai enfin pu en parler...

(1) Heilgass, actuellement rue des Prés

(2) Ce buisson d'églantines était là où se trouve actuellement le garage du 5 rue des Prés

(3) Le Bois Fleuri à Guebwiller était une maison de cure et de convalescence pour enfants fragilisés

Source : Simone Schildknecht, témoignage recueilli par Guy Frank les 19 et 26 avril 2017

Logelbach

Vue vers le nord depuis la centrale électrique de Logelbach. En bas à gauche on aperçoit le calvaire,
puis la route de Turckheim, le verger et les vignes, et enfin les prés près du Muhlbach où campaient les Hindous.
(collection Simone Schildknecht)


Au campement de Logelbach

Logelbach  Logelbach

Deux photos prises à Logelbach par Oscar Bettlé le 17 septembre 1944 (collection Simone Schildknecht)


L’écusson représente un tigre bondissant sur trois bandes orange-blanc-vert.

La légion "Freies Indien" ou Légion Azad Hindoustan

La plupart des divisions allemandes avaient vu leurs effectifs réduits au profit du front de l'est. Pour essayer de combler les manques, elles avaient été dotées de bataillons de "volontaires" étrangers, recrutés dans les camps de prisonniers. La Légion Azad Hind ou Légion Freies Indien était composée de soldats indiens (armée anglaise) prisonniers des Allemands en Afrique du Nord. Ils furent recrutés au départ par Subhash Chandra Bose, nationaliste indien, dans le but de combattre au sein de la Wehrmacht pour préparer un projet d'invasion de l'Inde et la "libérer" du colonisateur anglais.

La 159e Reserve Division fut dotée du régiment de la Légion indienne "Freies Indien" (Inde libre) ; il était composé de 3.500 Indiens ayant servi dans l'armée britannique avant d'être capturés. Le 8 août 1944 l'unité est transférée à la Waffen-SS et prend le nom de Indische Freiwilligen-Legion der Waffen-SS sous les ordre de l'Oberführer Heinz Bertling et renforcée d'anciens membres de la Légion nord-africaine.

Le 15 août 1944 (le jour même du débarquement Allié en Provence), la Légion, affectée à la surveillance du Mur de l’Atlantique, quitte Lacanau (Gironde) et entame son repli vers l'Allemagne. La première partie de leur voyage se fait en chemin de fer jusqu'à Poitiers où ils ont été attaqués par des FFI (Forces Françaises de l'Intérieur) et un certain nombre d'hommes sont alors blessés.

Début septembre 1944, la légion indienne bat en retraite jusqu'à Dijon. Le 9 septembre, elle combat les troupes de la 1ère armée française à Nuits-Saint-Georges, se retirant ensuite par Remiremont et Colmar pour atteindre Oberhoffen-sur-Moder près de Haguenau. Quelques anciens se souviennent de ces Indiens Sikhs, en uniforme de l’Afrika Korps, avec barbe et turban. Sur leur épaule ils arboraient l’emblème d'un tigre bondissant sur trois bandes orange-blanc-vert, sous-titré « Freies Indien ».

Le reste de cette unité fut ensuite cantonné en Allemagne, au camp militaire d'Heuberg, dans le Jura Souabe, où elle resta jusqu'en mars 1945.

Photo ECPA (collection Musée Mémorial de la Poche de Colmar) 

Itinéraire de la Légion "Freies Indien" - Carte extraite du livre "For Free India" de Martin Bamber, 2010


Cantonnement à Wintzenheim

Ci-contre : cet Hindou, de la Légion « Freies Indien » a passé la nuit dans l'usine Schiele-Werke (actuel site Jaz) à Wintzenheim le 17 septembre 1944. Il a laissé son portrait à Edmond Schillinger qui précise que l'usine était pleine de soldats indiens. La photo n'a pas été faite à Wintzenheim (collection Guy Frank)

Verso de la photo

- un texte illisible, peut-être le nom du soldat. Qui peut déchiffrer ?
- la date de son passage à Wintzenheim, notée par Edmond Schillinger.

Au Bierkeller

Odile Bouvier se souvient que certains de ces Hindous en uniforme allemand étaient aussi logés durant quelques jours dans deux caves du Bierkeller à Wintzenheim situées sous la maison Kuci. Ils se lavaient sans arrêt et faisaient leur popote sur des petits feux allumés devant les caves. Durant la présence des Hindous au Bierkeller, les sous-officiers ont demandé au voisinage de ne pas laisser sortir leurs filles...

Source : Odile Bouvier, témoignage recueilli par Guy Frank en 2004 


Hindous en turban au Saint-Gilles

Nous étions à l'automne 1944. Des convois [allemands] de renforts remontaient la vallée de Munster. A leur passage, nous nous amusions à semer la panique. Au bord de la route en rase campagne, nous pointions un doigt espiègle vers le ciel. Cela était interprété comme l'arrivée de chasseurs. Du coup, les camions s'arrêtaient, dégorgeant une cohue de soldats qui s'éparpillaient pour se planquer sous les taillis.

Saint-Gilles, où habitait mon ami Philippe, était transformé en camp militaire. Et quels militaires ! Des Hindous, des Sikhs, récupérés dans les rangs de l'armée anglaise, aryens comme toi et moi, en turban, sabre à la ceinture, l'uniforme de la Werhrmacht décoré d'un tigre noir crachant des flammes sur blason jaune, avec en lettres gothiques la mention " Freies Indien ", Inde libre... D'autres régiments étaient constitués de Russes, sans doute blancs, qui traînaient leur bétail aux sabots usés jusqu'au sang.

A Saint-Gilles, il y avait encore une stèle en granit datant de la Première Guerre mondiale, sur laquelle était gravé le contour d'une mitrailleuse MG.08.Maxim avec la mention " Gott strafe England ", Dieu punisse l'Angleterre. C'est bien ça la guerre, Dieu invoqué de partout finit par punir tout le monde, surtout les innocents.

Source : Tomi Ungerer, A la guerre comme à la guerre. 


Joseph Eschbach vers 1944. Il avait 17 ans

Souvenirs de la Libération à Ingersheim

Joseph Eschbach est né en 1927 à Strasbourg et passait ses vacances dans la maison de son grand-père, à Ingersheim. Il se souvient encore avec précision des lieux, des mots, des personnes et des émotions. De novembre 1944 à février 1945, ce jeune garçon - futur médecin - a vécu une épopée ineffaçable.

Il écrit dans ses mémoires : « Notre famille toute entière a dû quitter Strasbourg en catastrophe début novembre 44 pour éviter le Volkssturm qui enrôlait les hommes de 16 à 65 ans. » Toute sa famille s'est rassemblée dans la maison du grand-père à Ingersheim, rue du Maréchal Foch.

[…] « Le tigre brodé sur la manche et leur turban donnaient un air exotique à la rue. »

Un jour, des Indiens en uniforme allemand ont débarqué dans notre cour. Le tigre brodé sur la manche, le filet pour tenir leur barbe et leur turban donnaient un air exotique à la rue. C'était la Freies Indien Legion, composée d'Indiens anglais faits prisonniers par Rommel ou engagés dans l'armée allemande par hostilité à la présence anglaise en Inde.[…]

Source : Christine Steiblé, L’ALSACE et les DNA du vendredi 29 janvier 2021



Ostheim : Des légions SS hindoues et cosaques

En revanche, ce que les habitants voyaient tous, c’était le ciel rouge de feu à l’ouest des Vosges et le front qui se rapprochait. Les enfants sont montés s’asseoir sur les marches de l’église pour regarder défiler les soldats allemands qui battaient en retraite : « Il en avait de toute sorte, des très jeunes, et même des Hindous, avec l’écusson « Légion freies Indien ». Soudain on a entendu des galops, des tirs, et une flopée de cosaques sont arrivés sur leurs petits chevaux. C’était un régiment d’infanterie SS, on les reconnaissait à leurs toques et aux arceaux de leurs charrettes. »

Source : Jean-Jacques Sturm, d’Ostheim : « L’odeur, ça te prenait au nez », L-ALSACE du 19.01.2025


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